« A la différence des vagins en caoutchouc, les vagins de chair humaine renferment toujours, en leur dense obscurité, des cercueils, des poignards d'obsidienne, des parasols, des murailles, des jardins vénéneux, des eaux stagnantes, des crocs, des fœtus en décomposition, des pères lubriques, des tarentules aux visages maternels, des dieux mutilés, des éclats de lune rouge... ». Quelques lignes donnant le ton du dernier ouvrage en date d'Alejandro Jodorowsky, père des Araignées sans Mémoire et du Paradis des Perroquets, davantage connu, sans doute, pour ses films (La Montagne Sacrée, Tusk, le projet avorté d'adaptation de Dune ...) et ses scénarios de Bandes Dessinées, notamment L'Incal (Moebius) et Alef-Thau (Arno) ; un ouvrage dense et envoûtant qui surprendra probablement bien des lecteurs. En effet, de par son histoire et son style souvent proches de la Fiction Spéculative, Enquête sur un Chemin de Terre se dégage du moule terne et rigide de la littérature classique, se confondant du début à la fin avec Science-Fiction, Fantastique et Surréalisme, donnant du même coup raison à ceux — et j'en suis ! — , de plus en plus nombreux, pensant que seules les œuvres issues de métissages littéraires peuvent désormais prétendre à l'originalité...

     Quelque part en Amérique du Sud, du moins on le suppose, dans un pays qui pourrait bien être le Chili, dont est originaire l'auteur, trois hommes reprennent conscience, amnésiques, sur un chemin de terre coincé entre cordillère et océan. Alors, qu'y font-ils ? Quel est leur rôle ? Et surtout, qui sont-ils ? Des anges, des détectives, des vieillards, des confesseurs, des ministres, des assassins, des vétérinaires, des ombres, des défunts, des rêves, des traîtres, des éducateurs, des enfants, des guérilleros, comme l'affirment certains protagonistes ? Nous l'ignorons et avançons dans ce roman comme à l'intérieur d'un labyrinthe sans entrée ni sortie. Le mystère reste entier, l'ambiance lourde, les personnages délirants, et ce jusqu'à la dernière ligne.

     Romancier expérimental, outrancier et tourmenté, Jodorowsky s'impose avec ce roman allégorique aux ouvertures métaphysiques (malgré quelques maladresses) comme l'un des espoirs de la littérature internationale. Par conséquent, je lui laisserai le mot de la fin.

     « Avant de tuer un oiseau, il faut le transformer en phénix » !