Curieuse idée d'introduire ce roman dans la toute neuve collection « Epouvante », et qui plus est parmi les quatre premières parutions groupées qui ouvrent le ban. Donald Leaf est de ces prédicateurs itinérants comme la littérature et le cinéma US en comptent beaucoup (et les chemins, sans doute). Il débarque, avec sa foi, son charme, et son mystère, dans la famille des Cragin, qui ne roule pas sur l'or, et est obligée de louer un terrain comme camping. La famille se compose d'un père autoritaire, d'une mère brûlée aux mains et cloîtrée dans sa chambre, d'une fille de 17 ans toujours en possession de sa virginité, et d'un jeune garçon, Marc-Anthony, par les yeux duquel la plupart des événements sont vus.
Mais quels événements ? Le roman est très long à démarrer, ou même peut-on dire qu'il ne fait que démarrer, que se mettre en place, avant de se terminer très abruptement, sans rien résoudre de ce qui était annoncé. La présence de Leaf chez les Cragin et dans la région des Willows précipite une crise qui reste larvaire et inopérante (à part quelques violences pendant les vingt dernières pages) : tel Terence Stamp dans Théorème de Pasolini, le prédicateur couche avec la mère et la fille (épargnant toutefois le père et le fils), et « ressuscite » un mort, plus quelques autres menus miracles. Mais à quoi bon ces événements, qui ne débouchent sur rien ? On a l'impression que l'auteur n'a mis en place des personnages et une situation que pour les abandonner à eux-mêmes... Leaf est-il un imposteur ou un véritable habité du Saint-Esprit ? Quels sont ses buts véritables ? On n'en sait rien. Les miracles sont-ils réels, ou ne s'agit-il que d'effets placebo ? On n'en sait rien non plus...
La fin, brutale (encore qu'éludée) est complètement arbitraire et bâclée : le père devient fou et massacre quelques campeurs avant de se faire trancher la tête, le prophète est électrocuté par son jeune disciple. Le tout décrit sans la moindre conviction par un écrivain uniquement préoccupé de boucler un récit auquel il ne croyait pas une seconde. Laird Koenig, qui a écrit pourtant La petite fille au bout du chemin et Attention, les enfants regardent, spécialiste de best-sellers, mettant en scène des enfants et adaptés au cinéma, n'a fait ici œuvre que de tâcheron. Il n'est pas question de mesurer la collection « Epouvante » à l'aune de ce livre (elle en compte de tout à fait excellents, notamment Spectres, de Dean R. Koontz), mais on peut simplement se poser la question de son introduction dans une série spécialisée : Le disciple, en effet, ne comprend à aucun moment ni fantastique, ni épouvante.
Jean-Pierre ANDREVON (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/6/1986 dans Fiction 375
Mise en ligne le : 6/11/2003