ACTES SUD
(Arles, France) Dépôt légal : avril 2017 Première édition Recueil de nouvelles, 304 pages, catégorie / prix : 22,80 € ISBN : 978-2-330-07575-0 Format : 11,5 x 21,7 cm❌
Quatrième de couverture
Et si les « monstres » d’aujourd’hui, nous suggère Stefano Benni dans ce recueil de nouvelles, ne ressemblaient en rien à ceux des légendes ? Son Dracula est victime d’un redoutable inspecteur des impôts, le doux M. Zéphyr voit son identité niée par la rébellion inexplicable de tous les distributeurs bancaires. Déclinant les multiples visages de la peur, l’auteur pointe les effets dévastateurs des technologies dites avancées, qui transforment de charmantes lolitas en véritables érynies, mais il revisite aussi, en les détournant, les contes pour enfants comme Hänsel et Gretel, ou rend hommage à son maître, Edgar Poe. Qu’il nous convie à une enquête policière menée dans le monde des chats pour démasquer un tueur en série ou qu’il parodie les films d’horreur, Benni nous entraîne dans d’infinies variations autour d’un thème qui nous fascine depuis toujours, peut-être parce que ce sont nos propres « monstruosités » – la lâcheté, l’égoïsme – qu’il reflète ou parce que, comme le dit le narrateur dans L’Histoire de la sorcière Charlotte, avoir peur est un sentiment profondément ambivalent, à la fois terrible et délicieux...
Critiques
La dernière causerie bifrostienne concernant Stefano Benni remonte à 2011 et la réédition du médiocre Terra ! (critique de notre camarade Bertrand Bonnet, n°63) Or donc, dans ce recueil tout neuf, on croise de tout. Des monstres, certes, mais pas que. Ici, on rencontre le Wenge, créature mystérieuse et meurtrière… À moins qu’il ne s’agisse de son nouveau propriétaire ? Là, c’est le Lampay, autre créature qui guide les voyageurs égarés en pleine nuit… et qui meurt au matin. Parfois, ce sont des figures familières : celle du vampire, par exemple, confrontée à un percepteur des impôts. Une momie, dont la mort mystérieuse inspire une vengeance aux petits oignons à une conservatrice de musée. Les fantômes, au travers de l’histoire d’une femme en quête d’un hôtel hanté, ou ce village, dont les habitants ont été recréés par le dernier habitant, un horloger. Ou le diable, qui s’infiltre au cœur du Vatican. Hansel et Gretel sont présents aussi, deux enfants gâtés abandonnés par leur pronazi de père et capturés par une sorcière désireuse de les revendre à de riches pédophiles. Sans oublier ce célèbre et séminal écrivain d’épouvante qui fait une rencontre dans un bar de Baltimore en 1849. Ou le chanteur Michael J. et la vérité sur sa mort. Les monstres modernes ne sont pas en reste, tels les appareils électroniques, qui – de la CB au digicode de l’immeuble – nient l’existence de cet homme. Il y a aussi ces robots sexuels, qui passent à la révolte. Ou ce marchand d’armes fort désemparé quand les ventes chutent (et pour cause…). Ou encore ces acquéreurs potentiels du lot 165, situé en troisième position à partir de son soleil.
Les mânes d’Italo Calvino et Dino Buzzati hantent cet ensemble de contes revisités… mais Benni peine hélas à leur arriver à la cheville. Les réinterprétations sont souvent attendues, l’humour n’est pas toujours au rendez-vous et certaines chutes tombent à plat (« Lot 165 »). Sans omettre « L’Inspecteur Mitch », l’un des textes les plus longs du recueil, qui raconte la traque d’un serial killer avec des chats comme protagonistes, pour un résultat aussi inventif que complètement couillon. Néanmoins, certains textes s’avèrent plus glaçants : « Sonia et Sara » met en scène deux jeunes femmes à l’amitié fusionnelle faisant la queue pour obtenir des billets pour un concert de leur boys band favori. Elles ne récupèrent qu’un unique ticket. Comment faire ? « Le Géant », c’est cet arbre gigantesque qui flanque la propriété nouvellement acquise d’un oligarque russe ; ce dernier souhaite le trancher, en dépit de sa triste réputation. Bref, au fil de ses vingt-cinq textes, Chers monstres alterne le bon et le mauvais, le drôle et le ridicule. Parfois ça fait mouche, parfois ça foire lamentablement. Dommage.