PRESSES DE LA CITÉ
(Paris, France) Dépôt légal : décembre 1999 Première édition Roman, 396 pages, catégorie / prix : 125 FF ISBN : 2-258-04873-7 ✅ Genre : Science-Fiction
Quatrième de couverture
Dix ans ont passé depuis le Méga-Séisme du monde virtuel de Satori City, qui a failli effacer Néo-Tokyo de la surface de la planète.
Les échanges internationaux en ligne sont désormais contrôlés par des organismes spécialisés, et le système d'exploitation de l'Omni-Net, réseau cybernétique mondial, semble parfaitement stable. Pourtant, des groupuscules terroristes se livrent à un combat sans merci, par avatars interposés, dans les vecteurs les moins fréquentés du réseau. Et la mafia russe espère faire main basse sur le monde en libérant sur les canaux de communication ce qu'elle croit être un puissant virus informatique transmissible à l'homme. Un virus appelé Mir, qui se tapit dans le pigment des tatouages. Il est destiné au contrôle de l'esprit, mais il pourrait également changer le destin de l'humanité en transformant notre Terre bien réelle en réalité virtuelle d'un univers cybernétique en pleine expansion. Heureusement, un homme — fils de celui qui, dix ans plus tôt, osa défier le seigneur du Rim — va tenter de jouer le grain de sable dans les rouages de cette conspiration à l'échelle du globe.
Alexander Besher, découvert en 1997 avec Le seigneur du Rim, donne libre cours à son imagination foisonnante dans ce roman qui dépasse le cadre de la science-fiction. Les amateurs de réalité virtuelle, les passionnés d'ordinateurs et les surfeurs sur Internet découvriront de multiples références à leur univers de prédilection. Un divertissement de tout premier ordre.
Critiques
Suite du Seigneur du RIM, ce roman se passe en 2036, dix ans après le combat livré par Frank Gobi, anthropologue transculturel et « détective privé psychique », contre un virus informatique qui a envahi les sites de réalité virtuelle du monde entier et menaçait d'annihiler les consciences des utilisateurs connectés (parmi eux, son fils Trevor). Depuis, Frank et sa compagne Tara Evans (elle aussi adepte psychique) ont disparu de la circulation, partis dans une nouvelle et mystérieuse quête spirituelle. Mais Trevor Gobi tente à sa façon de suivre les pas de son illustre père.
Trevor et sa petite amie, Nelly, sont en vacances sur la Côte d'azur. Au même moment le comte Trobolsky, chef des services de renseignement cyber du régime néo-tsariste de la Russie, se trouve aussi dans le coin. Il s'apprête à trahir son pays en vendant son plus grand secret : Mir, un virus (biologique cette fois-ci) dont le code ADN a été découvert dans une transmission infrarouge d'origine extraterrestre par des cosmonautes à bord de la station spatiale du même nom. Il se révèle que ce virus possède d'étranges propriétés psychiques et fusionne avec la conscience de son porteur. L'État russe a rapidement développé des applications intéressantes : la création du Neuro-Goulag, qui condamne ses victimes à vivre dans une sorte d'enfer mental (plus besoin de construire des bagnes physiques), et le contrôle psychologique des foules (particulièrement utile contre les émeutes et insurrections).
Le transfert doit avoir lieu dans un café à Cagnes-sur-Mer. Le contact de Trobolsky, un certain Alyosha, vient d'acquérir le dernier gadget à la mode, un tatouage doté de l'intelligence artificielle. Ces tatouages sont physiquement mobiles et font fonction d' « avatars », des représentants qui réalisent des tâches dans la réalité virtuelle pour le compte de leurs porteurs. Or, au moment du transfert, des agents de la Sûreté française font une irruption intempestive, et dans la mêlée, l'échantillon de Mir s'échappe de son réceptacle, se rattache au tatouage d'Alyosha et puis décampe pour un refuge plus sûr : la peau de Nelly, assise avec Trevor au même café à la table voisine.
Dans ce roman rocambolesque et assez hilarant, Besher continue à explorer avec originalité une culture planétaire du xxie siècle qui combinerait la technologie occidentale et la sagesse orientale. Mais le récit fonctionne surtout au deuxième degré, épinglant à la fois les bêtises des adeptes de l'informatique et de la RV, et les excès des disciples du mysticisme « New Age ». L'intrigue est un peu plus confuse que celle de RIM et la résolution finale n'est pas entièrement satisfaisante. Certaines choses, notamment la nature du projet mystérieux de Frank et Tara, ne seront éclaircies que dans le troisième volet de cette trilogie, CHI (1999), non encore traduit en français. Et d'autres aventures des Gobi, père et fils, vont paraître bientôt, dans une nouvelle série, intitulée « Hanging Butoh ».
Réalité virtuelle, virus informatique, décor japonisant, mafia russe... Dans ce thriller futuriste, qui doit évidemment beaucoup à William Gibson, Alexander Besher a utilisé tous les ingrédients de base — devenus clichés — du cyberpunk.
Le début est attrayant, avec des chapitres légers, voire ironiques, où les mêmes scènes sont vues sous divers éclairages, à travers les yeux de protagonistes différents. Cette narration dynamise un récit d'espionnage assez conventionnel, dont le principal intérêt est de mettre en valeur la bonne idée du roman, celle des tatouages pensants. Ces insidieux logiciels épidermiques, capables de se déplacer sur votre corps et de stimuler vos ébats sexuels, provoquent aussi des modifications du comportement, tout en complotant dans votre dos... Car ils sont le vecteur d'un puissant virus psychologique, dont l'origine serait extraterrestre et qui aurait d'abord transité par la station MIR — détail qui rappelle l'argument du film Virus, de John Bruno, mais la ressemblance s'arrête là.
Malheureusement, la suite n'est pas à la hauteur. Au lieu de s'étoffer, le récit semble se déliter. L'intrigue tourne en rond, sans que l'auteur parvienne à dominer son sujet et à développer l'idée initiale. Il s'égare dans des situations anecdotiques et n'évite pas une certaine confusion qui entraîne un désintérêt progressif du lecteur. La légereté devient inconsistance, en particulier pour les personnages qui n'acquièrent pas la moindre épaisseur. Intrigués par le début, nous attendions un formidable complot, nous subodorions une prise de pouvoir par des tatouages en folie, nous redoutions une invasion virale massive du vaste réseau Omni-Net... En fait, l'intrigue demeure plate et erratique, aboutissant à un dénouement insignifiant, comme si l'auteur n'avait pas vraiment su comment se débarrasser de son encombrant virus.
Non seulement le scénario n'exploite pas comme elle le mériterait une idée pourtant astucieuse, mais en plus il manque de rythme, ce qui l'empêche également de bien fonctionner comme simple thriller. Au total, MIR est donc un roman bien décevant.