Depuis sa naissance, en 1953, Bob Morane a conservé un public fidèle d'amateurs de littérature d'aventures et d'évasion. Héritier des grands romans populaires du XIXe et du début du XXe siècle, il a déjà vécu, sous la plume de l'auteur belge Henri Vernes, plus de 200 aventures. Il a également connu le succès grâce à la télévision, la bande dessinée, le dessin animé, la chanson...

     Assisté de fidèles compagnons, notamment Bill Ballantine, moderne Porthos, il doit lutter régulièrement contre des grands maîtres du crime comme l'Ombre Jaune, qu'il retrouve à toutes les époques et à travers la galaxie. C'est l'univers de ce personnage unique dans la littérature francophone que ce livre propose de faire découvrir ou redécouvrir.

 

     Ecrivain, Rémy Gallart est l'auteur des 17 derniers « Blade et Baker » signés Jimmy Guieu (Vauvenargues), d'un épisode de la série « Le Poulpe », de traductions — dont celle du Dossier West (Encrage), — et de plusieurs scénarios de BD, dont la série « Borsalino » et Objectif Equus, un « Bob Morane » dessiné par Gérald Forton.

     Francis Saint-Martin est connu des amateurs pour son livre de référence consacré aux « pulps », publié par Encrage. C'est un éminent spécialiste de la littérature populaire sous toutes ses formes dont les articles dédiés aux dessinateurs et scénaristes de comics font autorité.

     « Vrai phénomène d'édition [...], Bob Morane est, au bout du compte, et dès sa naissance, un héros convenu. » (p.10) « Plus originale, par contre, est la propension du personnage à se déplacer de genre en genre. » « Il a également quelques faiblesses qui lui confèrent un semblant de vraisemblance. » (p.11) « En fin de compte, la question se pose de savoir si Bob Morane ne serait pas qu'un héros pour amateurs nostalgiques. » (p.12)

     Ces quelques phrases issues de l'introduction montrent avec quel honnêteté les deux auteurs ont abordé leur sujet. Malgré leur enthousiasme, ils posent des questions franches et directes, comme par exemple : comment peut-on expliquer la fascination qu'a exercé Bob Morane, « héros convenu », sur toute une frange du lectorat ? Bob Morane, « héros désuet », a-t-il une chance de survivre à son créateur ?

     Ce nouvel opus de la toujours étonnante collection « Travaux » commence par un premier chapitre intitulé « Naissance d'un mythe », portrait physique et mental de l'aventurier, copieusement illustré de citations ou d'extraits d'interviews. Suivent dans le deuxième chapitre les portraits des autres personnages récurrents, à commencer évidemment par Bill Ballantine. L'Ombre Jaune y est présentée, mais on reviendra plus complètement sur cet incontournable génie du mal dans un chapitre tout entier dédié.

     Les genres littéraires traversés par le personnage sont également passés en revue : aventure, espionnage, policier et bien sûr fantastique et science-fiction, pour lesquels les auteurs concluent que « Henri Vernes n'ira jamais trop loin dans l'irrationnel » (p.89) ni dans l'aspect spéculatif.

     Trois autres chapitres portent sur l'influence assumée qu'a eu Jean Ray sur Vernes, sur un intéressant panorama des « Antécédents littéraires » et enfin sur les « collaborateurs » — autrement dit les « nègres » — de Vernes, avant que vienne le gros morceau : plus de cent pages de résumés de l'ensemble des romans, soit 207 à ce jour...

     A signaler enfin, en annexe, un délicieux « Petit lexique des inventions scientifiques de Ming le terrible ».

     Pour moi qui, adolescent, ait parcouru des kilomètres en vélo pour écumer chaque libraire dans l'espoir d'y trouver un Bob Morane manquant à ma collection, et même si je n'en ai jamais relu un depuis cette époque lointaine — mon dernier a probablement été La Prisonnière de l'Ombre Jaune, le n°143, en 1978 — , replonger dans cet univers par le biais de ce Bob Morane, profession aventurier, ouvrage à la fois simple, didactique et fouillé, a été un régal.

     Alors, « héros pour amateurs nostalgiques » ou héros intemporel ? La question reste posée. En tout cas, grâce à messieurs Gallart et Saint-Martin, je vais de ce pas aller exhumer mes vieux Marabout pour relire quelques-uns de ces titres qu'ils m'ont remis en mémoire. En attendant sans doute de me pencher sur les titres plus récemment parus chez Ananké.

     Voilà bien le mérite d'un ouvrage de « fans », celui d'être rigoureusement inutile au commun des mortels mais absolument indispensable au passionné.