Il est des ouvrages pour lesquels il est impossible d'être objectif, comme ce recueil d'illustrations de François Rouiller. Non parce que l'auteur est un ami, ce qui pourrait entacher injustement cette chronique du soupçon de « copinage ». J'aurais en effet été presque tenté de passer Après-demains sous silence. Par pure rancune. La couverture de ce recueil aurait pu être la « Une » d'un numéro de Galaxies ! Mais Rouiller n'avait pas songé à construire son illustration dans un format adapté à notre maquette...
Splendide, originale et totalement romantique — l'une de ces images qui démontrent au lecteur que la SF ne choisit pas toujours le pessimisme et la cruauté — , cette couverture donne une idée assez juste de ces Cent vues imprenables sur le futur — sous-titre du volume. Loin des futurs qui craignent chers à la SF classique, Rouiller a fait le pari de l'humour distancié, de la satire, parfois caustique mais jamais cruelle, de nos petits travers et des dérives possibles de nos sociétés...
Chacun aura ses coups de cœur. Pour ma part, j'avouerai un faible pour l'exorcisme des cyber-virus affectant les confessionnaux automatiques (par les temps qui courent, re-dynamisons l'anti-cléricalisme !), la découverte du gène du racisme (éradiquons !), et le délicieux cochon d'engrais à pousse verticale (saluons par avance les trusts galactiques de l'agroalimentaire !).
L'humour, en SF plus qu'ailleurs, est chose délicate, et François Rouiller aurait pu tomber dans la facilité ou la blague de potache — avouons que quelques (très rares) dessins y succombent. Il n'en est pour l'essentiel heureusement rien. À lire Après-demains, on est plongé tout à la fois dans un futur plus hypothétique que réellement crédible (quoique le cochon à pousse verticale...) et, comme par une sorte de boucle temporelle, dans l'imaginaire des grands auteurs d'anticipation... du XIXe siècle. Fidèle au genre qu'il s'est choisi, Rouiller n'oublie pas que parler de demain, c'est surtout donner à voir notre ici et maintenant.
Reste au final un OVNI éditorial, brillamment imaginé par un vrai écrivain hélas trop rare (on l'a lu jadis, avec Une enfance en jeu, dans l'anthologie Espaces Imaginaires), crayonné par un adepte résolu de la ligne claire ; un livre totalement improbable et parfaitement réussi, que seule une maison d'édition comme L'Atalante pouvait oser publier. Il serait agréable — et juste — que le succès public soit au rendez-vous.
Stéphanie NICOT (lui écrire)
Première parution : 1/12/2002 dans Galaxies 27
Mise en ligne le : 2/9/2004