L'extra-terrestre dont il est question dans ce roman n'a bien entendu aucun rapport avec le célèbre super-héros américain, vedette de Strange (LUG), et même peu de ressemblance avec le petit arachnide à l'exception d'une toile, presque indestructible, qu'il peut tisser à volonté et qu'il va utiliser pour asservir une ville.
L'intrigue imaginée par Doris Piserchia est classique : un engin sophistiqué, interdimensionnel — la Foreuse de Rumson en l'occurrence — tire de son isolement paisible un extra-terrestre, aux redoutables pouvoirs, qui va déverser sa haine sur les habitants de la petite ville où il a fait irruption. On aurait pu assister encore à l'affrontement manichéen entre la méchante créature venue d'ailleurs et les habitants de la cité mais la romancière a su insister sur les différences qui existent entre la « morale » de l'Homme-Araignée et sa façon de vivre si étrangère à notre monde. Ce qui lui permet, non pas de la rendre vraiment sympathique, tant sa cruauté est grande, mais d'en faire un personnage fort, agissant plus par la volonté de préserver son espèce que par le désir de faire du tort aux humains. Naturellement, il les déteste mais n'ont-ils pas interrompu son cycle de vie ?
L'Homme-Araignée est davantage un roman d'horreur que de science-fiction proprement dite malgré quelques éléments appartenant au genre comme les inventions nombreuses dont le savant Rumson est l'auteur. Certaines sont d'ailleurs particulièrement étonnantes notamment le satellite qui créa une telle force de gravitation que l'Atlantique s'éloigna d'un centimètre vers le nord !
Les scènes d'action sont nombreuses et donnent à l'histoire une grande nervosité. Les passages violents ne manquent pas également mais ils ne sont pas tous dus au sadisme de l'Homme-Araignée. En effet, Doris Piserchia a dressé le portrait au vitriol d'une petite ville américaine dont les rivalités mesquines, l'égoïsme, la méchanceté ne le cèdent en rien à la cruauté de l'extra-terrestre. Au contraire les travers des habitants d'Eastland s'exacerbent sous la menace de l'Homme-Araignée, avivant ainsi leurs ressentiments. Seuls quelques personnages sont au-dessus des autres : le policier Ekler, son ami Duffy, ou encore un petit groupe de vieillards pathétiques, qui vivent dans des grottes mais dont les actes ne sont pas toujours innocents. Mais la psychologie des divers protagonistes n'est pas assez fouillée, ils apparaissent très typés, et le style de Doris Piserchia bien qu'efficace, est plat et sans grande imagination. Cependant, et malgré une fin prévisible, L'Homme-Araignée est un roman agréable qui se laisse lire sans ennui.
Elisabeth CAMPOS
Première parution : 1/3/1986 dans Fiction 372
Mise en ligne le : 16/11/2008