La nouvelle fantastique allemande au XIXe siècle ne ressemble à aucune autre : elle fascina les Français qui l'imitèrent beaucoup. Plus audacieux, plus acharnés, plus authentiquement étranges, les rêveurs effervescents d'Outre-Rhin risquèrent, pour la plupart, leur vie dans leur art et furent souvent dévorés par leurs chimères. Cette anthologie s'efforce de définir ce mortel vertige, tente de parcourir ces abîmes, d'établir des points de repère au sein de cet enchevêtrement de réel et de rêve. Des premières tentatives de Goethe à la virtuosité étincelante d'Hoffmann, de la grâce enchantée d'Eichendorff aux monstrueuses fureurs de Gotthelf, de l'ironie désinvolte de Chamisso aux terreurs apocalyptiques de Meyrink, les treize nouvelles que voici retracent un étonnant itinéraire, invitent le lecteur au plus périlleux des voyages, à la contemplation d'un autre règne : le règne subtil, envoûtant, forcené de la réalité bouleversée, avec son cortège d'énigmes, de démons, de merveilles.
Critique tirée de la rubrique « Diagonales » signée par Alain Dorémieux
Troisième volet de cette série d'anthologies mentionnée déjà dans cet article, à propos de La France fantastique.Cette fois, nous sommes en plein romantisme allemand, avec les noms connus d'usage (Chamisso, Gœthe, Arnim, Hoffmann et Meyrink qui représente l'aboutissement), avec également des noms moins attendus, comme Kleist (l'auteur du Prince de Hombourg) ou Hauptmann (dont le long récit intitulé La chatte de merest un chef-d'œuvre superbe). Dans son ensemble (hélas ! pour nos compatriotes), ce volume est très supérieur à La France fantastique. Presque aucun texte ne laisse indifférent ; presque tous brillent d'une splendeur incomparable. C'est qu'outre Rhin on « vivait » le fantastique ; on ne se contentait pas de s'installer à sa table de travail pour en écrire. Il n'y a pas de mystère et toute la différence est là.