ALBIN MICHEL
(Paris, France) Dépôt légal : 4ème trimestre 1965 Première édition Recueil de nouvelles, 208 pages, catégorie / prix : nd ISBN : néant ✅
En plus du recueil "Wesele w Atomicach", ce livre contient six nouvelles extraites de "Deszcz".
Quatrième de couverture
Jeune Polonais, d'une trentaine d'années, Slawomir Mrozek s'est fait connaître en France, lorsqu'il a publié, en 1964, son premier recueil de nouvelles : L'ÉLÉPHANT, quarante-deux récits dont Kléber Haedens a pu dire que chacun était « bref, drôle, mordant, terrible ».
Le même talent se retrouve dans LES PORTE-PLUME, et Slawomir Mrozek va encore nous étonner, nous amuser, nous inquiéter avec l'humour original et burlesque de ses nouvelles histoires.
Il promène son regard de faux naïf sarcastique sur le monde d'aujourd'hui et les vestiges de celui d'hier. Il ricane, il persifle. Il se moque du réel, raille les institutions, les valeurs consacrées, les pouvoirs établis, les us et coutumes, et nous nous prenons à son jeu très subtil des miroirs déformants.
Si les écrivains de science-fiction des pays de l'Est manquent d'imagination et de mordant, c'est apparemment à eux seuls qu'il leur faut s'en prendre. Car Slawomir Mrozek, écrivain polonais dont on a déjà lu L'éléphant et qui publie aujourd'hui en France un nouveau recueil,Les porte-plume, montre qu'il est toujours possible de s'élever contre le conformisme ambiant. Sa plume corrosive n'épargne rien ni personne, ni les militaires, ni les bureaucrates, ni les écrivains, ni même la logique. L'ordre, toujours et partout, apparaît comme l'ennemi juré de Mrozek, qui lui porte des coups sérieux.
Le procédé le plus généralement employé par l'écrivain polonais est celui de Swift, celui du non sense. Il développe un argument logique jusqu'au moment où celui-ci sort du réel, débouche dans le fantastique, dans l'abstrait, et bascule dans la dérision. Ainsi, l'histoire du Montagnard qui, ayant commencé par compter des moutons pour s'endormir, en vient, par esprit de sérieux, à s'installer dans les montagnes, à revêtir l'habit des bergers et à leur emprunter leurs chants et leurs danses. L'histoire ne dit pas s'il dort. Ainsi les contes de Mrozek se déroulent-ils avec toute la rigueur linéaire d'un développement mathématique, même si leurs postulats ne sont pas tout à fait ordinaires.
Le genre présents néanmoins un écueil que Mrozek évite de justesse. Quelle que soit la fécondité de l'imagination de l'auteur, quelles que soient ses qualités de styliste, il ne peut empêcher l'absurde de constituer à la fin un univers tout aussi cohérent et beaucoup plus répétitif que celui qu'il dénonce. Si la verve est demeurée égale de L'éléphant aux Porte-plume, elle ne s'est pas renouvelée. Aussi recommandons-nous une lecture à petite dose du nouveau recueil. Elle évitera l'indigestion et permettra de tirer tout le sel de ce plat acide.
Le fantastique de Mrozek est quelquefois poétique. Mais il est trop ancré dans le réel, trop immédiatement défini par rapport au quotidien pour s'enfoncer profondément dans l'imaginaire. Il demeure en bonne compagnie. Une dimension manque à l'écrivain polonais pour être classé parmi les meilleurs. S'il étonne, s'il amuse, il n'inquiète pas vraiment. Il est au fond la mesure incarnée, et, sous couleur d'exagération, c'est la démesure qu'il condamne. Propos au demeurant sympathique ; mais qui n'exclut pas une certaine complaisance dans le culte du « petit homme », sans talent, sans moyens et même sans ces rêves démesurés qui faisaient le charme de Walter Mitty. À coup de clins d'yeux au lecteur, Mrozek reste au dehors de ses contes, il ne s'y engage pas tout à fait. C'est la raison et peut-être la rançon de son succès.
Les illustrations de Daniel Mroz, elles, vont plus loin dans l'insolite, dans le fantastique, que la prose qu'elles accompagnent. Il est le seul, à ma connaissance, qui ait eu l'inquiétante idée de vêtir la mort d'un vidoscaphe.