[Critique commune de :
- L'eau épaisse de Philip Levene et Joseph Lawrence Morrissey : FN Anticipation n° 216
- Terrom âge "un" de Max-André Rayjean : FN anticipation n° 221
- Créature des ténèbres de Maurice Limat : FN Angoisse n° 93
- Chantespectre de Maurice Limat : FN Angoisse n° 95]
« L'eau épaisse » exploite un thème par trop rebattu : celui d'un peuple souterrain qui intervient dans les affaires des hommes. Et, comme attendu à notre époque, pour les obliger à mettre fin aux essais nucléaires. Mais, si l'intrigue est connue, elle n'épouse pas les poncifs du genre. Ces êtres sont des monstres, et cependant bienveillants ; et ils ne claironnent pas leur interdit, c'est par des voies obliques et feutrées qu'ils se manifestent. Aussi le suspense grandit, né du comportement psychologique des personnages, aux multiples volte-faces sans raison apparente. Et si finalement les hommes supprimeront les essais nucléaires, ils oublieront que la décision leur fut dictée, et croiront le devoir à leur seule sagesse. Au total un bon roman de suspense, qui navigue entre les poncifs.
Dans « Terrom âge « un », Rayjean n'évite pas l'écueil qui attend ceux dressant des insectes en rivaux des hommes. Ses fourmis et ses abeilles géantes ne seraient jamais que des masses inertes, captives de leur poids, incapables de se mouvoir et totalement inoffensives. S'il leur avait donné au maximum la taille d'un rat ou d'un lapin, nous aurions pu peut-être nous laisser prendre à l'histoire, qui en vaut bien une autre.
« Créature des ténèbres » ou la nième vengeance de la momie vampire. Malheureusement pour l'auteur, ses personnages humains sont tellement antipathiques (les amoureux spécialement) que dès la page 10 nous nous faisons les champions de la momie, et que l'happy end nous désole profondément. À moins… à moins que Limat n'ait voulu renverser l'éclairage et faire de la momie le personnage sympathique. Auquel cas il a réussi.
« Chantespectre » est de beaucoup supérieur : récit réaliste d'un crime lentement prémédité, accompli avec la secrète complicité de la victime, semble-t-il. Et dans cette atmosphère étouffante, tout semble insolite, et trouve cependant une explication rationnelle. Tout, sauf un petit fait, et voilà le drame un peu sordide transformé en châtiment fantastique.
Jacques VAN HERP
Première parution : 1/7/1963 dans Fiction 116
Mise en ligne le : 25/8/2024