C'est de la SF comme on n'en ose plus : dans un futur proche, le scénario d'une brutale transformation de notre monde, que le désir de coller aux faits connus fait placer trop près pour être vraiment crédible. Donald James pousse le bouchon un peu loin, et peut-être prend-il nos désirs pour des réalités (une guerre roumano-hongroise au sein du Pacte ! ?).
Mais il a bien lu Carrère d'Encausse ou ses équivalents anglo-saxons, et englouti des tonnes de documentation. Pour mitonner un désastre à base de révoltes de camp (cf. Les tanks connaissent la vérité, par A. Soljénitsyne, Fayard) et de problèmes nationaux avec les républiques asiatiques.
Le résultat ? Un roman convaincant — en tant que best-seller américain. Selon la formule du genre, il suit l'itinéraire d'une dizaine de personnages pris dans la tourmente, et ne ménage ni le mélo ni les coïncidences. L'action est totalement prenante, même si elle s'arrête quand ça devient intéressant : le sort politique de la Russie est réglé en une page à la fin.
Les personnages sont beaucoup moins réussis encore ; on ne sent pas battre leur coeur, et surtout pas leur cœur de Russes (ou de Tatars... ou de Baltes). James ne pèse pas lourd face à n'importe quel dissident soviétique ; sans doute faut-il avoir vécu cette vie, voire rester encore en contact avec la terre sacrée de la patrie, pour parler d'une voix juste. James n'a pas cette profondeur, mais peut faire passer un bon moment — prosoviétiques, s'abstenir !
Pascal J. THOMAS (lui écrire)
Première parution : 1/1/1983 dans Fiction 336
Mise en ligne le : 7/3/2009