Dans sa collection de romans contemporains, le Fleuve Noir publie surtout des « policiers de luxe », sous grand format et couverture photographique. A signaler parmi les derniers ouvrages de la série, un excellent livre de Jean-Pierre Ferrière, Des relations de plage.

     Et voici, par exception, un roman de politique-fiction « à l'américaine », dont l'action se situe dans un proche futur : 1982.

     Connaissez pas Souvanoff ? Alors, c'est que dans Le Monde vous ne lisez que les critiques littéraires de Viansson-Ponté ! Le camarade Gregori a succédé au camarade Leonid à la tête de l'Union Soviétique vers 1980. Vous étiez en vacances ? Au mois de décembre 1982, après avoir rejeté le recours en grâce des « émeutiers de Lettonie », le brave Souvanoff se prépare à partir pour New York. But officiel du voyage : présider l'Assemblée des Nations Unies. (Je lisais ce livre juste au moment où un autre chef d'Etat, Giscard d'Estaing, faisait son numéro au Palais de verre : il va bien, merci...). En réalité, Souvanoff va négocier un important achat de blé américain. La patrie du socialisme manque toujours de farine en 1982 (pour les missiles sol-ci et sol-là, grâce à Lénine, ça marche !).

     Détail important : à côté de Souvanoff, Brejnev était un humaniste libéral et chaleureux. En Chine, pendant ce temps, il y a un premier Chinois qui ressemble au père Hua comme un Chinois rouge et malin à un autre Chinois malin et rouge (enfin, pas si rouge que ça !). Le camarade Tchang-Li-Paï décide de se débarrasser du camarade Souvanoff en le faisant assassiner par la Maffia au cours de son séjour à New York. Stanley Haughton, lui, n'est pas un camarade : c'est Monsieur le Président, successeur d'un certain Jimmy Carter, dont on se disait bien aussi qu'il ne resterait pas longtemps à la Maison Blanche ! Le Président est décidé à employer les grands moyens pour protéger son illustre collègue.

     Mais le Président des Etats-Unis, ce n'est rien à côté de Johnny Coll, un privé comme Mickey Spillane aurait voulu en inventer un ! Johnny Coll va déjouer les plans de la Maffia et faire échouer le complot. Du moins, celui des Sino-Maffiosi, parce que... Suspense !

     Le thriller l'emporte vite sur la politique-fiction. C'est un peu dommage. Mais le suspense couperait le souffle à un cheval sauvage. La fin est belle.

     Le complot contre Souvanoff est plus ou moins bâti sur le modèle de l'attentat contre John Kennedy. Le parallèle est fascinant entre Stefan Molnar et Lee Harvey Oswald. Et la clinique psychiatrique du Dr Salomons, contrôlée par la Maffia, ressemble fort aux hôpitaux psychiatriques dans lesquels une autre Maffia, nommée Parti Communiste de l'Union Soviétique, enferme ses contestataires. Les Russes ont été des pionniers : ils ne manquent pas d'imitateurs dans le monde. On s'en doutait.

     Complot pour tuer Souvanoff : une tranche d'avenir qui ouvre pas mal d'horizons sur le passé et le présent.