Ce bel objet est le premier livre grand public consacré au bestsellasaurus rex, Stephen King, et rédigé par un Français, Jean-Pierre Dufreigne, rédacteur en chef de L'Express. Bel objet, grande première et incroyable ratage  ! Comme le confiait Dan Simmons à Ténèbres  : « [Les gens] lisent King parce qu'ils aiment King. Et la plupart de ce qu'écrit Steve se place entre ou à l'extérieur de quelque genre que ce soit, y compris l'horreur.  » C'est pourquoi les lecteurs de S.-F. ou de fantastique fans de King se réjouissaient qu'un tel ouvrage voie le jour en France. Mais, même si Dufreigne est lui aussi un amoureux de l'œuvre du Maître, ils ne peuvent que regretter la pauvreté du contenu, la maquette débile et le style indigent de l'auteur. En somme, se rendre compte de l'immense gâchis que représente cette tentative.

     Le contenant, tout d'abord, est desservi par une mise en page new age, racoleuse, insipide et la plupart du temps illisible. Quelle brillante idée d'imprimer un texte noir sur fond rouge et inversement ! Quel professionnalisme au regard du nombre invraisemblable de coquilles et d'oublis typographiques qui parsèment l'ouvrage  ! Quelle originalité au vu de l'iconographie vieillotte et triturée informatiquement au point de ne plus ressembler à rien  ! Quel gâchis de pages torchées en un tournemain, vides et désolantes de mièvrerie  ! Pour ce qui est du texte, portion congrue de l'ouvrage, Jean-Pierre Dufreigne assène des informations mille fois lues, disserte longuement et stérilement en adoptant un ton philosophico-parisianiste de bazar ou au contraire un langage d'ado pseudo-chébran et crétin dont le but ultime est d'enrober grassement et indigestement le peu de matière valable concernant King et n'hésite jamais à faire des envolées lyriques qui tombent bien souvent à plat (un exemple parmi d'autres, page 94  : quelle coïncidence, la femme de King se prénomme Tabitha, à une lettre près comme l'héroïne de Ma sorcière bien-aimée  : Tabatha  ! Oui, c'est étrange, sauf que l'héroïne de cette série s'appelle Samantha, Tabatha — Tabitha dans la VO, on se renseigne  ! — étant sa fille. Autant pour la coïncidence surnaturelle !) Bref, juste une dernière question  : quelle critique Dufreigne aurait-il pondue dans L'Express sur ce triste livre s'il n'en avait pas été l'auteur  ? Et une conclusion, dure et définitive  : il est de notre devoir de critique de défendre certains livres... à nos lecteurs. Ni plus, ni moins.