Qui a dit que la quête était un thème démodé, dépassé depuis des lustres ? Et qu'il ne pouvait plus déboucher que sur d'informes reduplications ? Peu importe. Car il n'a sans doute jamais été aussi utilisé, en littérature, qu'aujourd'hui. Par exemple par la plupart des auteurs de SF, français notamment (Serge Brussolo, Emmanuel Jouanne, Michel Grimaud, Christian Léourier, etc ), lesquels participent au « genre », tant sur le plan de la nouvelle que du roman. Ici, en ce qui concerne Richard Canal, c'est même au niveau du cycle que le thème est exploité. Enfin, « cycle » n'est vraisemblablement pas le terme adéquat ; il faut en effet savoir que cette fresque était initialement un gros roman qui, ayant été injustement refusé par les deux ou trois éditeurs dits de prestige alors en place, s'est vu découpé par son auteur en trois parties égales, en vue d'une publication au Fleuve Noir, éditeur ne publiant que des ouvrages courts. Cela méritait d'être précisé, pouvant apporter un éclairage différent sur cette œuvre que je considère pour ma part, malgré ses quelques maladresses, comme l'une des bonnes et même excellentes surprises de 1987, dépassant de beaucoup son premier roman, La Malédiction de l'Ephémère (éd La Découverte).
L'objet de la quête est une planète, Animamea, où seraient réunies les âmes de tous les morts, depuis le début de l'humanité, un peu comme dans Le Monde du Fleuve de Philip José Farmer. Une planète incarnant de ce fait, malgré sa possible inexistence, l'espoir de tous celles et ceux désirant retrouver par tous les moyens possibles un être cher dont ils ne peuvent supporter la disparition : femme, frère, ami... Tel est le cas de Chris Nelson, leader d'un groupe de Rock, autour duquel s'articule Les Ambulances du Rêve, le premier volume, et de Fabrice Della Rocca, le héros des deux derniers : La Légende Etoilée et le présent Les Voix Grises du Monde Gris. Ils mettront tout en œuvre pour atteindre leur objectif...
Dans les deux premiers volets de cette fausse trilogie, Canal s'attache surtout à évoquer un monde mythique et (provisoirement ?) inaccessible, à travers divers personnages qu'il sait rendre attachants, des lieux magiques et une esthétique brillante proche de celle des auteurs « littéraires » qui ne sont généralement pas familiers du Fleuve Noir. Et puis, même s'il y a des baisses de niveau, c'est souvent remarquablement écrit. Après La Malédiction de l'Ephémère, on se demandait si son auteur allait pouvoir rééditer sa performance , ici, il fait mieux que de confirmer : bref, il nous démontre qu'un nouveau conteur de talent est (définitivement) né et qu'il faudra désormais compter avec lui !
Vous l'avez compris, il faut lire Animamea au plus vite, les ouvrages du Fleuve Noir étant difficiles à se procurer, quelques mois seulement après leur parution... ce qui ne peut que nous faire regretter, une fois encore, que l'ensemble n'ait pas été publié chez Denoël ou Laffont. Ha ! J'allais oublier... La fin de Les Voix Grises du Monde Gris est vraiment géniale ! Un vrai morceau d'anthologie...
Richard COMBALLOT
Première parution : 1/2/1988 dans Fiction 394
Mise en ligne le : 2/2/2003