Ce vénérable auteur « bénéficie » chez nous d'une fort mauvaise réputation d'écrivain fascisant, et c'est certainement pour cette raison qu'il a été peu publié en France. Aussi la traduction de The long way home, roman datant de 1958, par Axelle Arnaut-Kabou peut-elle être considérée comme un événement remarquable.
La trame du récit n'est pas originale : un groupe d'explorateurs terriens accompagnés d'un extraterrestre aux intéressants pouvoirs supra-normaux, de retour de mission, échoue à la suite d'une défaillance technique dans un univers qui n'est pas le sien. La Terre a, historiquement parlant, cinq mille ans de plus et Mars est verte au lieu de rose... Les calottes glaciaires ont disparu et, politiquement, la Terre fait partie d'une ligue de planètes au sein de laquelle, comme il se doit, chaque membre veut disposer du pouvoir pour lui seul, même au prix d'une guerre.
Dès l'atterrissage, l'extraterrestre échappe aux forces de l'ordre de la Ligue. Sachant qu'il peut les aider à construire une arme redoutable, les diverses factions politiques essaieront par tous les moyens de faire avouer aux Terriens le nom du lieu où se terre l'« animal fabuleux ».
L'idée fait long feu mais elle permet à Anderson de décrire sans complaisance une société esclavagiste gouvernée par le Technon — un super-ordinateur.
Par le biais de Langley, le héros, Poul Anderson dénonce les abus et les inconséquences du pouvoir totalitaire et s'offre le plaisir d'énoncer quelques bons sentiments socialisants, quelques réflexions désabusées comme celle-ci : « D'une façon générale, II semble que l'homme aime à être dirigé. Or, il ne peut y avoir de paix et de liberté que si la majorité des hommes acceptent de penser par eux-mêmes et d'agir en conséquence. Je crains que cela n'arrive jamais. »
Sans la moindre surprise, tout se termine bien : les méchants qui vivent dans l'ammoniac ne déclencheront pas la guerre, le Terrien rescapé retrouve l'amour et son ami extraterrestre, le pouvoir reste au pouvoir...
Ce roman prouve, si besoin était, que la réputation de Poul Anderson est quelque peu usurpée, mais il le fait avec une telle maladresse et un tel simplisme dans la construction et les ressorts de l'action que la démonstration est peu convaincante.
Dernière remarque et non la moindre, la traduction est des plus déplorables. On aimerait sur ce point un plus grand respect du lecteur et de l'auteur.
En fait, ce Retour impossible, malgré ses défauts et son désir de bien faire, s'avère être une petite curiosité qui vaut bien qu'on lui accorde une heure.
Noé GAILLARD
Première parution : 1/6/1984 dans Fiction 352
Mise en ligne le : 19/10/2002