Après
Agent de l'Empire Terrien, l'Atalante poursuit sa publication du cycle de Dominic Flandry. Mais, là où le précédent tome était une réédition d'un volume du
CLA, celui-ci,
Défenseur de l'Empire Terrien, est un inédit composé de deux romans publiés en 1969 et 1970.
Le cadre général de la saga Flandry est celui d'un
space opera dans lequel l'Empire terrien s'étend sur de très nombreuses étoiles ; c'est d'ailleurs son principal souci, car avec une telle distance entre le cœur — représenté par Terra — et les frontières, l'Empereur a du mal à tenir les rênes, c'est-à-dire mater les rébellions de ses sujets et s'opposer aux Merséiens, extraterrestres en guerre contre l'humanité. Et tous de redouter qu'un jour ne s'abatte la Longue Nuit, celle du chaos...
Dans le premier roman,
Un cirque de tous les diables, Flandry doit aller prospecter Wayland, une planète oubliée, pour le besoin d'un mafieux du poste frontière où il a été envoyé. Ce dernier est persuadé que Wayland recèle des secrets qui feraient de lui un homme richissime. Pour surveiller Flandry, il lui adjoint une garde, Djana. L'agent de Terra, à son arrivée sur Wayland, découvrira que tant la planète que la jeune femme ne sont pas ce qu'elles paraissent... Dans
Les mondes rebelles, Flandry est envoyé pour enquêter sur des troubles dans une région de l'espace à l'écart des routes habituelles. Le potentat local semble en effet commettre de nombreuses exactions, et un amiral s'est rebellé, menaçant de faire régner la guerre civile.
Les résumés ci-dessus semblent nous diriger tout droit vers la classique trame délassante du
space opera pur jus, aux rebondissements incessants, peuplé d'extra-terrestres tous plus étranges les uns que les autres (mention spéciale à la créature triple de Llynathawr). Mais c'est mal connaître Poul Anderson ; tout d'abord, en bon tenant de la
hard science, il pose les bases d'un univers scientifiquement sensé. Les orbites des planètes sont minutieusement décrites, comme le fonctionnement des vaisseaux spatiaux et le métabolisme des créatures. L'auteur fait néanmoins en sorte que ces enseignements ne soient pas rébarbatifs, et distille les informations au fur et à mesure. Le lecteur en retire l'impression d'un monde crédible, et n'en est que davantage immergé dans l'intrigue, pré-requis obligatoire si l'on ne veut pas avoir l'impression de lire un livre aux décors de carton-pâte. De plus, ceux qui croient encore que
hard science et
space opera — qui plu est avec un personnage principal qui est défenseur de l'Empire Terrien — riment avec fascisme devraient courir acheter ce volume : Anderson y fait en effet montre d'un grand humanisme. Le manichéisme n'est pas de mise : les humains ne sont pas meilleurs que les
aliens auxquels ils sont confrontés, et qui ne jurent pas non plus nécessairement que par la guerre. Même le plus vil des personnages aura une étincelle de noblesse, aussi ténue soit-elle. Flandry est également loin du héros stéréotypé qu'on trouve habituellement dans ces récits ; même s'il assume parfaitement son statut de jeune premier gravure de mode et tombeur de filles, il est néanmoins bourré de défauts, mais surtout en a conscience et est du coup en perpétuel questionnement sur ses vraies motivations et son rapport au monde qui l'entoure.
Tout ceci concourt à faire de
Défenseur de l'Empire Terrien un très bon
space opera, et nous donne envie de retrouver Dominic Flandry dans de futures aventures. Si l'Atalante continue, il reste encore 6 ou 7 romans inédits dans le cycle, romans qu'on lira avec grand plaisir, si néanmoins Poul Anderson réussit à se renouveler (car, toutes passionnantes qu'elles soient, les péripéties de Flandry se ressemblent grandement d'une histoire à l'autre).