[Critiques des livres suivants :
- Kilsona de Festus Pragnell, Hachette, Rayon Fantastique n° 33
- L'escalier de l'ombre de Peter Randa, Fleuve Noir, Angoisse n° 11]
Un seul ouvrage romancé d’anticipation scientifique m’est parvenu depuis ma précédente chronique : « Kilsona », de Festus Pragnell (Hachette-Rayon Fantastique). Le point de départ rappelle l’excellent « L’homme chez les microbes », de Maurice Renard, mais le reste est évidemment accommodé à la sauce du jour. Grâce à l’invention d’un super-microscope, un savant a trouvé le moyen non seulement d’observer les univers « sub-atomiques », mais encore d’opérer un transfert de mémoire entre un habitant d’un de ces univers et l’observateur humain penché sur l’appareil. Cet observateur ne sera autre que le propre frère du savant qui, ainsi, se trouvera projeté dans un autre monde dont la civilisation est un étrange mélange de barbarie et de civilisation. Ses aventures dans le corps de Kastrove, habitant de la planète Kilsona, relèvent davantage de Superman que d’autre chose, mais c’est ce que les Américains pourraient qualifier de « Superman de luxe ». À signaler également, à la fin, une timide satire de la façon de vivre américaine (décidément, chez nos confrères d’outre-Atlantique, cela devient une véritable manie), qui ne peut évidemment se comparer à celle d’un Bradbury, par exemple, mais qui n’en relève pas moins la saveur du ragoût qui nous est offert. Et en lisant entre les lignes, on pourrait même imaginer que Kilsona n’est autre chose que notre propre Terre à l’issue de quelques guerres atomiques. Heureusement que la conférence de Genève semble avoir relégué une telle éventualité sur un plan purement hypothétique.
Pour me résumer, « Kilsona », sans être une perle, peut être assimilée à un honnête Burma (le bijoutier, pas le détective !).
Côté terreur et angoisse, un seul ouvrage également : « L’escalier de l’ombre », de Peter Randa (Fleuve Noir), pseudonyme d’un confrère français, auteur d’un excellent roman criminalo-psychologique paru voici quelques mois dans une collection justement réputée pour la qualité de ses textes. Le présent volume est extrêmement soigné et, dans le genre fantastique, peut se comparer à une bonne production anglaise de même genre. C’est l’histoire de deux couples qui, perdus dans la montagne par une nuit de tempête, cherchent abri dans un château du voisinage. Celui-ci est habité par deux gardiens, ainsi que par un certain nombre de personnages plutôt inquiétants dont on se demande d’abord si ce ne sont pas des fous. Mais non, car ils se révèlent beaucoup plus dangereux que des déments, puisque ce sont les esprits (j’emploie ce terme à défaut d’un autre, car les corps y sont également et bien en chair même, puisque l’un d’eux finit par séduire un des membres du quatuor) de Gilles de Rais et sa famille. Finalement, il y a une espèce de transmutation entre les morts et les vivants et la fin nous laisse sur une impression d’incertitude qui, ma foi, ne devrait pas déplaire à un lecteur raffiné. Comme je l’ai dit, l’ouvrage est d’une facture soignée et, si les effets de terreur sont parfois un peu faciles, l’ensemble est d’une qualité nettement au-dessus de la moyenne, tant sur le plan de la construction que de l’écriture et de la psychologie des héros.
Igor B. MASLOWSKI
Première parution : 1/9/1955 dans Fiction 22
Mise en ligne le : 6/4/2025