Nori, un ancien forgeron, est garde-frontière au royaume de Razum, le pays des nains. Depuis son enfance, il souffre de maux de têtes. Bénigne au début, la douleur s'est intensifiée au cours des années. Karmak, le prêtre de la compagnie le soigne comme il peut. Il exècre les trolls et ne vit que pour les traquer et les tuer. Dans un combat, il se distingue en massacrant, à lui seul, la moitié d'une horde qui avait fait un raid.
Remarqué par le général Trimok, il se voit confié l'organisation et le commandement d'une brigade spécialement chargée de mettre fin aux intrusions des trolls pilleurs et tueurs.
Nori et sa brigade se préparent à un nouveau combat. Près d'un temple, ses espions ont perçu la présence d'orques. Lors de l'assaut, Nori et son escouade se heurtent à des draconides. Arrivé au cœur du temple, il voit un rayon qui jaillit d'un spectre posé sur l'autel et trois mages de races différentes qui l'assaillent avec de la magie. Il sort vainqueur, mais une douleur intense le tétanise.
Il se réveille deux semaines plus tard dans le royaume des Elfes, soigné par Sanya, la grande prêtresse d'Elda, elle-même. Il apprend, peu après, que ces douleurs sont les symptômes d'une grave maladie. Sanya lui enseigne des techniques pour maitriser le mal avant qu'il ne s'installe. Entre elle et le nain, les relations s'étoffent. Mais il doit repartir car les trolls sont de plus en plus audacieux.
En chemin, il prête main-forte à Huldra, une elfe guerrière d'une grande beauté. Retrouvant le général, Nori s'étonne que le roi reste insensible aux arguments de ses officiers. Il décide d'aller, lui-même convaincre le souverain de la nécessité d'une vaste opération guerrière. Il est persuadé que l'ancienne alliance des ennemis des nains est reconstituée et qu'un complot se trame...
Dominic Bedart bâtit, autour de Nori, un roman de pure fantasy. Ce nain, à la carrure puissante est le héros classique, l'individu courageux et altruiste propre aux romans d'apprentissage et de quête dont nombre d'auteurs ont fait leurs » choux gras ». C'est un combattant mu par un puissant désir de vengeance. Cependant, l'auteur fait évoluer son personnage en le confrontant à d'autres antagonistes issus de races et de sexe différents.
Deux femmes, aux statuts et aux rangs différents, seront les principales artisanes de cette évolution. Il prend conscience, sous leur férule, qu'il n'y a pas que les combats frontaux. La première à le faire changer est Sanya la prêtresse qui lui enseigne l'art de la diplomatie. La seconde, la guerrière elfe, lui fait découvrir des combats plus en finesse, empreint de ruse.
Dominic Bédart, avec cette partie du récit, souhaite-t-il montrer que les individus de sexe masculin restant entre eux, dans une bonne ambiance de camaraderie où l'on partage force bières, se comportent comme des balourds ? Ces individus ne restent-ils pas au niveau des fonctions premières de l'organisme, des atavismes profonds, consistant essentiellement à boire, manger et se vanter d'exploits de toutes natures ?
L'auteur abandonne au fil du récit la vision manichéiste de bons nains et de méchants trolls. Il donne ainsi à son héros une dimension plus proche de la complexité de la nature humaine.
Bien sûr, on retrouve les grands sentiments qui fleurissent dans ce type de récits, la fidélité à un idéal, le respect de la parole donnée, la camaraderie et l'amitié solide, le respect pour ceux qui le méritent, la défaite et le châtiment des méchants. Ce dernier point, compte-tenu de notre société actuelle, est cependant réjouissant. Il ne déroge pas à la règle implicite qui veut que les personnages, dont les patronymes ont sans doute été retenus en hommage à quelques illustres prédécesseurs dans le genre, soient les meilleurs dans leur domaine.
Dominic Bédart enrichit son intrigue et le schéma simpliste de départ avec des relations de plus en plus étendues, multipliant les contacts avec des personnages de couches sociales différentes. L'auteur construit ainsi un véritable univers, cohérent dans sa réalisation et dans son fonctionnement.
Le Doigt d'Uthar, ce premier tome, est servi par les qualités de conteurs de l'auteur qui entraine son lecteur dans les aventures échevelées de ce nain au grand cœur.
Serge PERRAUD
Première parution : 15/8/2011 nooSFere