Que se passe-t-il en 1968 ? A une époque où l'automatisation s'incruste, où l'habitude et la monotonie s'installent, où tout se fait au mépris de la beauté pour le compte du pratique, à une époque enfin où chaque jour perd un peu plus de son attrait, nous vous proposons une dimension différente, celle de l'évasion vers un monde fantastique qui peut être, est déjà le nôtre, mais qu'il convient de regarder avec des yeux lucides.

     En effet, nous n'avons pas la prétention d'inventer ni de découvrir quelque chose de neuf, d'inédit. Nous voulons seulement attirer votre attention vers ce qui nous semble être primordial : une certaine conception de la beauté et des richesses de la matière, sous toutes ses formes.

     Or, il est déplorable mais salutaire de le constater, une décadence terrible sévit actuellement. Dépassant le stade de l'information et de la diffusion, elle atteint même une grande majorité pensante, qui n'y prend pas garde. Cette décadence est particulièrement sensible en France où les tentatives, quand elles ne sont pas avortées, se révèlent timorées et inefficaces. Il faut combattre l'engouement général pour l'inactivité, la paresse intellectuelle, le flot inutile de bons sentiments dissimulant bien souvent la plus totale passivité... Il faut toucher, agacer, intéresser, passionner.

     Gomme nous le disions plus haut, et dans tous les domaines, il existe depuis longtemps des sujets d'intérêt extraordinaire. Malheureusement, en 1968, le scandale et le snobisme plus que tout autres ont droit de cité. C'est contre une pareille dégradation qu'il nous faut immédiatement réagir. Nous condamnons ces tachistes aux gestes inconsidérés, confondant et assimilant la gaucherie au génie, l'amateurisme à l'innovation, alliant la peinture à la maçonnerie, à la brocante, concourrant visiblement au remplissage de surface ; ces bâtisseurs de formes et édifices ignobles, poussant parfois même leur cynisme jusqu'à comparer leurs infâmes constructions à une femme ou à une étreinte ; ces écrivains impuissants et dégénérés, incapables semble-t-il de s'exprimer autrement qu'à travers des intrigues sexuelles amorales et combien déprimantes, ceux aussi qui ne savent que redire fort mal ce qui fut si bien conté par d'autres. Et ces cinéastes, puisant systématiquement leurs effets sur l'aspect d'une vie facile, dont les personnages semblent n'être occupés qu'à deux choses : faire l'amour et tromper. Estimons-nous heureux lorsque ceux-ci sont inspirés et nous présentent de bonnes images.

     Bref, tout cela ne contribue guère à une formation heureuse, et c'est pour-quoi, dès maintenant, nous espérons et pensons vous compter parmi nous, afin de vous faire connaître, à vous aussi, la grande et seule évasion, celle qui vous mènera vers une nouvelle connaissance, et de nouveaux « Horizons ».

P. GOURET.