On a pu constater ces derniers temps que des auteurs ou des dessinateurs bien connus dans le petit monde de la SF, s'intéressaient de près au football, ce sport de masse, jouant dans bien des pays, son rôle « d'opium du peuple ». Ils contredisent ainsi la fameuse théorie qui veut qu'une personne ayant un penchant certain pour les livres ne peut aussi être captivée par cette bizarre activité physique que d'aucun appellent le sport ! De temps à autre W. Siudmak illustre l'hebdomadaire France-Football. Plus significatif encore, Enki Bilal et Patrick Cauvin (alias Claude Klotz) vouent à leur passion commune un album intitulé Hors-jeu
1, qui, de par sa thématique, se rapproche de
La guerre olympique 2, le roman de Pierre Pelot. Dans chacun des cas, le football est lié à une idée en prise directe avec notre présent, elle même sublimée par la SF. Aussi ne faut-il pas s'étonner de trouver l'ouvrage de Marie Lebey critiqué dans vos pages. Mais venons-en a l'intrigue proprement dite.
Clara, jeune danseuse étoile, est renversée par une voiture, le jour même où sa carrière prenait un tournant décisif. Elle se retrouve seule sur son lit de convalescence. Et, d'abord par désœuvrement, puis par intérêt, elle suit le « mundial » à la télévision. Prise au jeu, elle décide de partir supporter l'équipe de France au Mexique, une fois ses jambes guéries. Mais là-bas, juste avant une rencontre capitale, une mutation s'opère, la transformant inéluctablement en ballon...
Tel est donc le thème, pour le moins original, du second roman de Lebey publié chez Balland. Est-ce du fantastique ? Probablement pas au sens le plus classique du terme, même si l'auteur n'a pas cédé à la facilité, la transformation de son héroïne nous étant présentée comme bel et bien réelle. Disons qu'il s'agit d'une histoire très insolite, aux accents kafkaïens, contée avec humour et talent par un jeune écrivain maniant les mots en toute liberté. Certes lui reprochera-t-on sans doute le côté artificiel de l'intrigue ou le manque d'épaisseur des personnages secondaires. Je pense notamment à diverses références à l'univers des feuilletons télévisés, très à la mode aujourd'hui mais rapidement voués à l'oubli. De plus les amateurs de récits d'épouvante rechigneront certainement à attendre, les trois quarts du texte durant, la métamorphose de Clara. Mais ainsi ce livre n'est pas exclusivement réservé aux « fous de foot » ou aux « fanatiques de fantastique ». Un détail à ne surtout pas négliger, si l'on désire être publié dans une collection de littérature générale... On pourra peut-être publier dans une collection de littérature générale... On pourra peut-être même parler, d'ici quelques années, de témoignage sur notre époque en évoquant ce roman, dans la mesure où il nous remémorera l'évènement le plus médiatisé en 1986, avec des mots, une mentalité, des points de repères bien spécifiques à la seconde moitié des années 80.
Marie Lebey possède un style très vivant, qui puise ses racines dans notre quotidien, avec parfois une pointe de lyrisme, toujours bienvenue. La science-fiction et, à un degré moindre, le fantastique, publiés hors-collection, lorsqu'ils sont de surcroit abordés par un auteur étranger à ces deux genres, ne s'attirent que fort rarement les faveurs d'un public qui répugne toujours à sortir des grandes avenues généreusement éclairées...Pourtant malgré ses défauts, ce livre mérite largement votre attention. Essayez...
Notes :
1. paru aux éditions Autrement
2. Présence du futur n° 297, éditions Denoël.
Thierry BOSCH
Première parution : 1/12/1987 dans Fiction 392
Mise en ligne le : 23/2/2009