Cassandra peut communiquer avec le monde des esprits, talent qui lui vaut l’intérêt des morts et des non-morts. Elle n’a pas de souci avec les premiers, même s’ils sont parfois collants, mais elle préfère éviter les seconds.

Pourtant, lorsque le suceur de sang mafieux à qui elle a échappé retrouve sa trace, elle est obligée de réclamer la protection du Sénat des vampires.

Mais cette aide n’est pas gratuite : ayant été élevée par des vampires, Cassie sait d’expérience que leur prix ne sera pas le sien...

     Cassandra a vécu toute son enfance parmi les vampires, qui ont exploité son don de double vue et sa capacité à discuter avec les fantômes. Ayant faussé compagnie à ses geôliers il y a quelques années, la jeune femme fait depuis tout son possible pour se fondre dans la masse. Mais son passé la rattrape et la voilà de nouveau prête à reprendre la fuite... Mais avant de disparaître, elle cherche à mettre à l'abri Tomas, son colocataire et seul ami. Et là, tout bascule, le jeune homme n'est pas celui qu'elle croit et — encore plus dérangeant — elle découvre qu'elle-même n'est pas celle qu'elle croit. Entre le Sénat vampirique et les différents Cercle de mages, notre héroïne va devoir ruser pour se protéger, rester indépendante et prendre en main son avenir.

     Publiée chez Milady après les Mercy Thompson, Kate Daniels, ou Rachel Morgan, Cassandra Palmer a fort à faire pour tenir la distance. Et on peut dire que le défi est loin d'être gagné ! Ce roman souffre de la mise en place particulièrement laborieuse de l'intrigue principale et de l'univers. En effet, Cassie décrit encore et encore dans de longs monologues sa vie, ses visions, le fonctionnement du Sénat et des autres instances surnaturelles ou bien tout simplement l'action immédiate. Et s'il permet de mieux appréhender le contexte, ce procédé rend la lecture extrêmement ennuyeuse quand on apprécie un style plus « efficace » qui vous laisse reprendre votre respiration en évitant de vous noyer sous un flot ininterrompu d'informations...

     Même si les péripéties s'enchaînent dès les premières pages, trouver de vrais échanges entre les personnages qui ne soient pas entrecoupés de descriptions envahissantes relève de la gageure. Ainsi, les premiers dialogues tardent à arriver et sont très brefs alors que, pour ce type de récit, ils forment généralement un élément moteur dans la construction et le rythme du scénario. La jeune femme est seule contre tous et on peut dire que cela se sent...

     Le fonctionnement du don de l'héroïne contribue à alourdir la narration. En effet, Cassie se déplace dans le temps où elle croise et recroise les personnages. Elle peut aussi revivre les mêmes situations de plusieurs points de vue ou après avoir influé sur la trame du temps. Les paradoxes temporels successifs apportent pas mal de rebondissements, mais on a parfois l'impression que l'écrivain se perd autant que nous dans le déroulement de l'intrigue. Ainsi, avec tous ces chemins de traverse, l'histoire avance assez lentement et il faut donc s'armer de patience et peut-être penser à prendre quelques notes...

     Dernier petit bémol, la prolixe Miss Chance a abusé des noms connus pour ses suceurs de sang : Raphaël, le peintre bien sûr, Raspoutine, Mircea, le frère aîné du fameux Dracula, Cléopâtre, Jack l'éventreur ou encore Christopher Marlowe, le dramaturge élisabéthain, pour n'en citer que quelques uns... Cette surenchère peut agacer, car les descriptions ne sont pas forcément à la hauteur de ces grands noms de l'Histoire.

     Si le lecteur n'est pas découragé par ce premier contact, la richesse de l'univers Karen Chance ainsi que son héroïne ont en revanche tout pour séduire. Vampires, fantômes, mages, sorcières et autres créatures surnaturelles se déclinent avec des personnalités biens construites et des objectifs pas toujours très avouables. La difficulté de reconnaître les amis des ennemis apporte beaucoup de suspense. C'est d'ailleurs l'une des réussites du roman.

     Une autre réside dans le personnage de Cassandra, qui n'est pas à son avantage dans ce premier tome. En dehors de ses dons de voyance, son humanité la met complètement à la merci des autres et elle n'a de cesse de trouver les meilleurs alliés pour sauver sa peau. Cette jeune femme se révèle intéressante et crédible dans sa fragilité, loin des modèles de superwoman proposés par les autres auteurs de bit-lit. Son humour désabusé, lié à sa parfaite conscience de sa situation plus que précaire, la rend très attachante. Avec elle, on se laisse enfin surprendre avec plaisir par les événements qui semblaient pourtant joués d'avance.

     Voici donc un récit qui exige un peu de persévérance pour en savourer sur le tard toute la richesse et en appréhender convenablement la complexité. Alors, pensez à éteindre la musique, évitez le métro et trouvez-vous un endroit bien calme où vous ne serez pas dérangé. C'est le meilleur moyen d'en apprécier la lecture...