ACTES SUD
(Arles, France) Dépôt légal : mai 2011 Première édition Recueil de nouvelles, 128 pages, catégorie / prix : 15 € ISBN : 978-2-7427-9767-7 ✅
Quatrième de couverture
Un homme, qui porte en son corps une multitude d'éclats d'obus tombés en 1916, explose en pleine nuit quelque cinquante ans plus tard. Un adolescent, affligé d'un abominable nez qu'il pense être le sceau d'un lignage, se découvre l'instrument d'une terrible vengeance familiale. Une lectrice compulsive de quotidiens tient le journal de ses lectures exhaustives, et, pour elle, ce qui ne figure pas sur le papier échappe à toute réalité...
C'est l'inquiétant amalgame entre l'expérience sensible et l'extravagance fantastique qui maille ces douze nouvelles, superbes de concision et de subtilité, où toujours surgit l'élément perturbateur, repoussant les frontières de la logique jusqu'aux lisières de l'absurde.
L'héritage des maîtres argentins est manifeste dans ce jeu constant entre fiction et rationalité. Mais alors que ses prédécesseurs privilégiaient le subterfuge de l'érudition, Eduardo Berti ancre ses récits dans une culture plus prosaïque et crée une osmose envoûtante entre deux univers étrangement perméables.
Eduardo Berti est né à Buenos Aires en 1964 et vit à Madrid. Traducteur, critique littéraire et éditeur, il a publié Le Désordre électrique (Grasset, 1999), Madame Wakefield (Grasset, 2001 ; Babel n° 789), et chez Actes Sud : La Vie impossible (2003), Tous les Funes (2005), Rétrospective de Bernabé Lofeudo (2007) et L'Ombre du boxeur (2009).
1 - Éclats d'Atamisky, pages 11 à 19, nouvelle, trad. Jean-Marie SAINT-LU 2 - La Lettre vendue (La carta vendida, 2010), pages 21 à 26, nouvelle, trad. Jean-Marie SAINT-LU 3 - Les Monstres, pages 27 à 33, nouvelle, trad. Jean-Marie SAINT-LU 4 - Hugh Williams (Hugh Williams, 2010), pages 35 à 48, nouvelle, trad. Jean-Marie SAINT-LU 5 - Formes d'oubli (Formas de olvido, 2010), pages 49 à 66, nouvelle, trad. Jean-Marie SAINT-LU 6 - La Copie, pages 67 à 69, nouvelle, trad. Jean-Marie SAINT-LU 7 - Journal d'une lectrice de journaux (Diario de una lectora de diarios, 2010), pages 71 à 83, nouvelle, trad. Jean-Marie SAINT-LU 8 - Mensonge ou vérité (La mentira o la verdad, 2010), pages 85 à 99, nouvelle, trad. Jean-Marie SAINT-LU 9 - L'Inoubliable, pages 101 à 106, nouvelle, trad. Jean-Marie SAINT-LU 10 - Compote, pages 107 à 114, nouvelle, trad. Jean-Marie SAINT-LU 11 - Revenir (Volver, 2010), pages 115 à 121, nouvelle, trad. Jean-Marie SAINT-LU 12 - Fantômes (Fantasmas, 2010), pages 123 à 126, nouvelle, trad. Jean-Marie SAINT-LU
Critiques
Ce court (120 pages) recueil de douze nouvelles permet de découvrir Eduardo Berti, écrivain argentin né en 1964. Il est l'auteur de plusieurs romans remarqués, dont Madame Wakefield, nominé au prix Fémina. Les textes recueillis ici sont très variés : par leur forme (du récit très court de 3 pages à la nouvelle de taille moyenne), leur ambiance (humour parfois macabre, ou drame sans fin), ou leur thématique (réaliste, imaginaire). Globalement, si l'on a du mal à leur trouver un point commun au premier abord, ils définissent Berti comme une voix intéressante de la forme courte, héritier de Borges ou Cortázar, mais qui a su trouver sa propre voie, plus proche de l'humain et moins érudite, mais tout aussi intéressante. Rares sont les nouvelles qui empruntent ouvertement au fantastique, mais la plupart tissent néanmoins une toile mouvante entre réalité et fantasme, sans que l'on sache réellement dans lequel des deux mondes il vaut mieux vivre. On y croise un homme dont le corps est criblé d'éclats d'obus qui finissent par le faire exploser ; deux travailleurs qui s'ennuient à mourir et finissent par se haïr à cause d'une lettre destinée à l'un qu'il finit par revendre à l'autre ; un étudiant qui rend visite à son éminent professeur qu'il vénère tel un dieu, pour s'apercevoir qu'à son domicile il n'est rien d'autre qu'un vieux gâteux... Une femme entreprend de lire les journaux de la première à la dernière page, et se coupe peu à peu de la réalité à mesure qu'elle se lance dans la lecture de nouveaux magazines. Un ancien garde du corps est engagé par un homme riche qui veut en finir avec la vie. Un homme revient en Argentine quinze ans après en être parti... tandis que ses amis argentins viennent de le voir prendre son avion l'emmenant en Europe. On n'est jamais très loin de la folie, à moins que celle-ci ne soit le moyen le plus efficace de se prémunir de zones d'ombre qui menacent de nous engloutir... Bref, Eduardo Berti nous convie à ses divagations tour à tour tragiques et sardoniques, et on lui emboîte le pas, tant ces tranches de vie ne parlent au fond que d'une chose : l'absurdité du monde qui nous entoure et notre incapacité à réellement l'appréhender. Sans atteindre au statut éponyme de son titre, L'Inoubliable reste une jolie découverte, celle d'un auteur qui a su marier une thématique classique argentine avec le monde d'aujourd'hui.