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Aux origines de la pop culture

Loïc ARTIAGA & Matthieu LETOURNEUX

Première parution : Paris, France : La Découverte, 3 novembre 2022


LA DÉCOUVERTE (Paris, France)
Date de parution : 3 novembre 2022
Dépôt légal : novembre 2022, Achevé d'imprimer : octobre 2022
Première édition
Ouvrage de référence, 192 pages, catégorie / prix : 20 €
ISBN : 978-2-348-07473-8
Format : 15,0 x 21,0 cm
Genre : Imaginaire

Sous-titre : Le Fleuve noir et les Presses de la Cité au cœur du transmédia à la française, 1945-1990


Quatrième de couverture

L'histoire littéraire s'est construite sur un mensonge : elle a largement occulté sa part populaire et la conquête du grand public par l'édition, fruit d'une dynamique qui la place au cœur des industries culturelles. C'est cet autre visage de la littérature que ce livre donne à voir. Puisant dans des archives inédites, il retrace l'histoire chorale de celles et ceux qui, autour des Presses de la Cité et du Fleuve Noir, ont façonné à partir des années 1950 les genres majeurs de l'imaginaire contemporain : espionnage, policier, science-fiction, érotisme...
Par-delà les romanciers les plus fameux (Simenon, Frédéric Dard), les professionnels de cette édition populaire ont contribué à forger une nouvelle culture médiatique, dans un contexte de circulation internationale des fictions et de transformation du travail des auteurs. Loin de se résumer à une invasion des modèles américains, la culture de masse « à la française » s'en approprie les conventions au temps de la guerre froide et de la décolonisation ; et dans ces romans tirés à plus de 100 000 exemplaires s'inventent aussi les nouveaux codes de la masculinité et de la consommation des « Trente Glorieuses ».
Le livre raconte les stratégies industrielles à l'œuvre jusqu'à la chute d'un système médiatique au tournant des années 1990, quand les recompositions éditoriales font émerger les nouveaux empires de la communication. Il permet de comprendre l'horizon médiatique des générations d'après-guerre, qui ne se cantonne pas au monde du livre : les histoires imaginées par les auteurs populaires ont essaimé au cinéma, à la télévision, à la radio...
Une enquête sans équivalent sur les origines du formidable « boom » de la pop culture, matrice de la culture populaire contemporaine.

Loïc Artiaga enseigne l’histoire culturelle à l’université de Limoges. Il est notamment l’auteur de Rocky, la revanche rêvée des Blancs (Amsterdam, 2021) et a dirigé Le Roman populaire en France, 1836-1960. Des premiers feuilletons aux adaptations télévisuelles (Autrement, 2008).
Matthieu Letourneux, professeur à l’université Paris-Nanterre, est notamment l’auteur de Fictions à la chaîne. Littératures sérielles et culture médiatique (Seuil, 2017) et a codirigé L’Empire du rire, XIXe-XXIe siècle (CNRS éditions).
Ensemble ils ont publié Fantomas, biographie d'un criminel imaginaire (Les Prairies ordinaires, 2013).

Sommaire
Afficher les différentes éditions des textes
1 - (non mentionné), Index, pages 184 à 188, index
Critiques

    En France, l’immédiat après-guerre vit fleurir quantité de maisons d’édition, souvent éphémères, parmi lesquelles deux se montrèrent particulièrement prospères et innovantes : les Presses de la Cité et le Fleuve Noir, qui finirent par unir leurs destinées en 1963. Hachette avait alors le monopole de la distribution en librairie et, pour survivre, les deux nouveaux venus devaient non seulement se distinguer des éditeurs en place, mais aussi échapper à l’emprise de « la Pieuvre verte ». Dans ce but, ils choisirent comme points de vente les petits commerces puis les grands magasins, et, surtout, se forgèrent une identité contrastant fortement avec celle de leurs concurrents « légitimés » : aux Presses de la Cité les best-sellers et les romans populaires, le plus souvent importés des USA, au Fleuve Noir une brassée de collections, tout aussi populaires, animées par une écurie d’auteurs français.

    Ce livre retrace la genèse puis l’évolution de ces deux éditeurs, des origines à nos jours, en détaillant les crises qui les ont secoués et qui ont rythmé leur histoire parfois chaotique. Déjà connus pour des ouvrages portant sur la littérature populaire, les auteurs ont bénéficié d’un accès aux archives des Presses comme du Fleuve – du moins à celles qui ont survécu –, mais aussi de certains de leurs auteurs. Loin de se consacrer aux seules vedettes – Frédéric Dard, Georges Simenon, Jean Bruce… –, ils examinent de près des auteurs parfois oubliés aujourd’hui, mais dont l’importance à l’époque était considérable (Paul Kenny).

    Autant le dire tout de suite, il est surtout question côté Fleuve Noir des collections « Policier » et « Espionnage », « Anticipation » n’ayant droit qu’à la portion congrue. De façon générale, on peut reprocher sa brièveté à cet ouvrage, en espérant toutefois qu’il ne s’agit que de l’esquisse d’un projet de plus grande ampleur. Toujours est-il que les parties consacrées aux flics et aux barbouzes sont passionnantes, en ce sens qu’elles donnent une bonne idée des enjeux idéologiques des Trente Glorieuses et de la décolonisation.

    Ce qui frappe, une fois terminée la lecture d’ Aux origines de la pop culture, c’est le parallèle que l’on peut faire avec d’autres structures éditoriales dans des contextes fort différents : les éditions Dupuis dans celui de la bande dessinée franco-belge, et les Marvel Comics dans celui des comics américains. Dans tous les cas, on a une entreprise familiale qui, au fil de sa progression, passe de l’artisanat à l’industrie, puis se retrouve engloutie par une corporation dont elle finit par devenir un rouage, certes utile mais tout à fait secondaire, du simple fait que les enjeux ont changé : ce qui aujourd’hui passe au premier plan, ce n’est pas le livre mais le cinéma, la télévision et les jeux vidéo. Comme le remarquent Artiaga et Letourneux, il est significatif que le Fleuve Noir, au moment où ses collections de romans français périclitaient, se soit lancé dans les novelisations de séries télé.

    Mais la structure même de son fonctionnement laissait présager une telle évolution : que ce soit dans les registres du policier, de l’espionnage ou de l’anticipation, l’éditeur ne souhaitait pas tant développer des auteurs que se constituer une écurie de « fournisseurs de contenu », comme on ne disait pas encore. Pour l’écrivain – « le forçat de l’Underwood », dixit Gilles Maurice-Dumoulin –, c’était là une situation confortable s’il assurait une production régulière, mais il pouvait être brutalement remercié quand il ne correspondait plus aux besoins de l’éditeur.

    C’est ainsi que, dans le domaine de la SF, on a vu au tournant des années 1980 disparaître du catalogue des « historiques » comme Richard-Bessière, Maurice Limat et Jimmy Guieu, et, une quinzaine d’années plus tard, la collection « Anticipation » elle-même passer à la trappe, laissant sur le carreau ce qu’on a appelé la « génération perdue » (Wagner, Pagel, Ecken…).

    Un livre vivement recommandé, ne serait-ce que pour les révélations qu’il dispense grâce à une exploitation intelligente des archives, et pour les documents internes qu’il propose. Quant à savoir ce que la littérature de SF peut retirer de cette « pop culture inepte et marketéeen vue d’un marché monde abêtisé à des fins mercantiles », en Bifrosty la question est tranchée depuis longtemps.

Jean-Daniel BRÈQUE
Première parution : 1/1/2023 dans Bifrost 109
Mise en ligne le : 2/7/2025

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