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Le Jour de la baleine et autres histoires

Ramiro SANCHIZ

Traduction de Antoine BARRAL

L'ATINOIR (Marseille, France)
Date de parution : 9 février 2024

Première édition
Recueil de nouvelles, 168 pages, catégorie / prix : 17,00 €
ISBN : 978-2-49174-262-1
Format : 12,6 x 18,6 cm
Genre : Imaginaire


Quatrième de couverture

« Toutes les fictions de Ramiro Sanchiz s’inscrivent dans un vaste projet initié à la fin des années 1990, autour d’un personnage du nom de Federico Stahl et de ses nombreuses vies possibles, dessinant un arbre aux ramifications potentiellement infinies que nous ne pourrons jamais toutes connaître, et offrant à l’auteur d’immenses possibilités de variations et de réitérations. Force est de constater qu’après plus de trente ans et de très nombreuses publications, Ramiro Sanchiz n’a pas encore épuisé son sujet et continue à surprendre et se renouveler, avec une science-fiction érudite qui se nourrit autant de Borges et Levrero que de Lovecraft, Ballard ou Dick, mais aussi de David Bowie et Bob Dylan. » (De la préface d'Antoine Barral)

« Federico Stahl est un des grands personnages de la littérature latino-américaine de ce début de siècle; » (Edmundo Paz-Soldán)

Ramiro Sanchiz est né en 1978 à Montevideo (Uruguay). Après des études de lettres et de philosophie il a été entre autres : guitariste de rock, libraire, rédacteur pour diverses publications, critique et traducteur. Très jeune, il commence à écrire de la science-fiction, genre dont il est devenu un des principaux représentants en Amérique latine. Il est publié, outre l’Uruguay, en Argentine, au Chili, à Cuba, en Colombie, en Bolivie…

Critiques

Le Jour de la baleine est celui où le père de Federico se rend au musée pour y contempler la Tête, une sculpture monumentale exposée tous les quarante ans, laquelle ne serait pas d'origine humaine. La baleine que le fils espère voir sera remise à une prochaine visite. Le père avait découvert la Tête, enfant, en compagnie de son père qui a ensuite mystérieusement disparu. Il est impossible de savoir si les deux évènements sont liés, mais lui-même disparaît peu après dans des circonstances qui ne seront jamais élucidées. La nouvelle est intrigante à plus d'un titre, dispersant des détails qui renvoient à un univers étranger, proche mais parallèle au nôtre.

Et c'est bien ainsi que fonctionne le cycle de la première partie du recueil. Il y est toujours question de baleine, dont l'existence serait mythique, et dont la description ne correspond pas forcément à celle d'un mammifère marin, ou que les sommités scientifiques ne reconnaissent pas comme telle. Ainsi, dans Les Rêves de la chair, s'échoue une baleine dont les contours métalliques l'apparentent à une mécanique : le squelette récupéré et reconstitué par des scientifiques dans un musée en font une étrange baleine-dragon qui ne correspond pas à ce que le jeune narrateur a vu sur la plage. Au-delà de l'anecdote, il est surtout question de mémoire et de sa restitution, les déclarations des vieux marins ou des villageois brouillant la connaissance qu'on peut avoir d'un phénomène et les déductions des savants ne valant pas mieux. De même, dans La Lumière sur les collines, un reflux des eaux met au jour un fossile que les scientifiques refusent d'attribuer à une baleine, tandis que Des Arbres dans la nuit révèlent lors d'une promenade les vestiges d'une baleine cette fois assimilée à une créature extraterrestre, dont le contact provoque des rêves hallucinatoires. Lovecraft n'est pas loin, Ballard non plus, évoqué dans Sur le sable, sous la peau..., où s'échoue cette fois un gigantesque corps de femme sans tête, une autre mécanique apparemment. Dans chaque récit se répètent des détails, des allusions à des évènements légèrement transformés, qui induisent des lignes chronologiques alternatives. Ces variations autour d'un même récit créent des effets de moirage fascinants, qui minent le sentiment de réel : la familiarité perd ses contours rassurants sans qu'il soit possible de déterminer en quoi. Ne reste que le sentiment oppressant d'une catastrophe imminente ou d'une révélation disruptive.

Intitulée Objets trouvés, la deuxième partie ausculte davantage ces autres mondes vibrant derrière la toile du réel. L'écrivain invité à Lima découvre une ville futuriste coiffée d'un dôme qui efface la vue des étoiles – ou cherche à échapper à leur vue, et repousse à l'extérieur les franges indésirables de la société où il se rend, sur la trace d'un soldat de plomb mais aussi d'un amour perdu. Fracture évoque à nouveau des analogies avec une baleine échouée ou à une machine en pièces ré-assemblée de travers tout en multipliant les faux-semblants. L'influence borgésienne est clairement visible dans Les Autres livres, où un professeur de littérature découvre dans une minuscule librairie aux extensions apparemment infinies un exemplaire inconnu de Joyce ainsi que, au fil des explorations, d'autres ouvrages apocryphes dont certains signés de son nom, parfois agrémentés d'une présentation indiquant la date (passée) de sa mort. C'est une Bibliothèque de Babel encore plus grande que celle de Borges car elle contient toutes celles des univers parallèles à dont la librairie constitue en quelque sorte le point nodal, référence borgésienne à L'Aleph, où il faut redouter de se perdre.

Le fait qu'un critique littéraire prépare un ouvrage sur la SF uruguayenne démontre que Ramiro Sanchiz connaît très bien la science-fiction (et le rock) dont il cite abondamment les auteurs phare, de Lovecraft à Bradbury, des Grateful dead à Bowie. Le critique rencontre dans un quartier mal famé de Las Piedras en Uruguay un groupe de rock dont les textes sont en rapport avec son ouvrage, des anarchistes avec une coloration sataniste, ne serait-ce que parce qu'ils fraient avec un sulfureux mage et sorcier, Alastair Lestrange qui écrivit jadis de la science-fiction et aurait même reçu de Philip K. Dick un exemplaire dédicacé du Hibou ébloui (son roman inachevé). Personne ne se souvient de Mlejnas se déroule l'espace d'une nuit insolite et toujours plus inquiétante où Ramiro Sanchiz multiplie les ambiguïtés pour désorienter son lecteur et mieux l'envoûter.

À ce jour, seule la revue Galaxies et une anthologie de littérature uruguayenne avaient publié une nouvelle de Ramiro Sanchiz en France. Dans la préface, son traducteur et compilateur Antoine Barral analyse en connaisseur l'importance et l'originalité de cet auteur qui, entre fantastique et science-fiction, distille avec l'érudition et la précision labyrinthique de son modèle argentin l'inquiétante étrangeté d'univers alternatifs, dont on donne à voir les vertigineuses ramifications. Il reste à souhaiter que ce premier recueil suscitera la curiosité des éditeurs pour une traduction plus suivie de cet écrivain très prisé en Amérique latine.

Claude ECKEN (lui écrire)
Première parution : 20/1/2025 nooSFere

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