Après la fin dramatique de Troisième tombe tout droit, la suite des aventures de Charley Davidson était attendue avec impatience. Quatrième tombe au fond, reprend le récit deux mois plus tard. Nous retrouvons Charley, plutôt amorphe, ayant élu domicile sur son canapé et devenue accro aux émissions de téléshopping. Notre Faucheuse reste visiblement traumatisée par les tortures que lui a fait subir Earl Walker — le père adoptif de Reyes. Seule l'apparition énigmatique de Reyes — son amant et accessoirement le fils de Satan — en bas de son immeuble l'incite à sortir de chez elle pour l'affronter et lui demander des comptes. Découvrant les menaces qui planent sur lui, Charley sort de son mutisme pour reprendre en main, non sans quelques difficultés, le cours de sa vie.
Dans la veine des trois tomes précédents, Quatrième tombe au fond bénéficie avec bonheur de la créativité de Darynda Jones. Si, pour notre plus grand plaisir, l'auteur garde les mêmes ingrédients qui ont garanti le succès de la série — son héroïne gouailleuse et impertinente ainsi que la loufoquerie des personnages secondaires et des situations — , ce tome se démarque par l'évolution profonde de Charley sur le plan personnel et la mise en lumière de son rôle en tant que Faucheuse.
C'est une jeune femme fragilisée que nous retrouvons, à la fois par les épreuves qu'elle a subies, mais aussi par sa rupture avec son père à la fin du tome précédent. Très rancunière, elle n'arrive pas à lui pardonner son comportement. Pour l'obliger à renoncer à son dangereux métier de détective privée, celui-ci l'avait carrément fait arrêter alors qu'elle agonisait sur son lit d'hôpital, la décrédibilisant professionnellement. Poussée dans ses retranchements, tant par ses amis et que les membres de sa famille, Charley est amenée à se pencher sur sa vie et sur les relations qu'elle entretient avec les autres. Et, comme à son habitude, notre Faucheuse manie le déni à la perfection. Amateurs de sensations version Grand Huit, vous allez vous régaler !
L'amour filial reste plus que jamais au cœur de ce récit, car Darynda Jones envoie son héroïne sur une enquête qui fait écho à ses problèmes personnels. Charley doit trouver qui torture psychologiquement, depuis des années, Harper, une jeune femme dont les parents croient qu'elle simule. Ceux-ci estiment qu'elle met elle-même en scène ces menaces pour se rendre intéressante. Il n'en faut pas plus à notre enquêtrice pour faire le parallèle avec ses propres souvenirs d'enfance et la relation conflictuelle qu'elle entretient avec sa belle-mère. Nous n'échappons pas au grand déballage version Charley Davidson et cela vaut le détour !
Pour déstabiliser un peu plus la demoiselle, l'énigmatique Reyes est enfin sorti de prison, blanchi par la justice du meurtre dont on l'accusait. Le couple ne s'est pas quitté en bon terme puisque le jeune homme a utilisé sa dulcinée comme appât pour confondre Earl Walker, toujours en vie. Partant à la recherche de son amant, la détective apprend, brutalement, les menaces qui planent sur eux. Reyes met tout en œuvre pour éliminer les derniers démons présents sur Terre qui seraient susceptibles la tuer. Traqueur devenu traqué, chaque entrevue entre Charley et le fils de Satan dégénère en un bain de sang et contraint la jeune femme à repousser ses limites pour sauver sa vie. C'est aussi l'occasion pour notre héroïne de découvrir ses pouvoirs et de cuisiner Reyes, exhumant des pans entiers de son rôle de Faucheuse.
Plus axé sur l'intimité et la vie personnelle de Charley que sur une quelconque intrigue policière, ce récit devient celui des révélations, à la fois sur le dysfonctionnement de ses relations familiales, mais aussi sur les desseins de sa venue sur Terre et sa rencontre avec Reyes. L'émotion demeure présente dans chaque scène même si elle est atténuée par les pitreries de Charley. On ne peut qu'être touché par sa solitude et son désarroi, puis au final, plein d'empathie quand elle reprend confiance en ses capacités, aidée par son amant et ses proches.
Côté action, pas d'inquiétude, car si Miss Jones souhaite pousser son héroïne à plus d'introspection, elle ne peut l'empêcher d'affronter les problèmes à sa façon : en fonçant droit dedans. Le petit côté thérapie de groupe est donc contrebalancé par d'excellentes bagarres version Matrix et d'intéressants échanges avec les habituels personnages secondaires — Rocket, Sœur Marie Elizabeth ou encore Donovan — en marge de l'histoire principale. De quoi souffler un peu, et rire beaucoup, après quelques grands moments d'émotions...
Bref, encore une fois, Darynda Jones nous gâte et on en redemande !
Nathalie TELL
Première parution : 6/8/2013 nooSFere