Pascal Vialeau, 53 ans, ouvre un œil. Un cube en plastique sonne avec énergie : il est sept heures quarante-cinq. Il allonge la main, coupe la sonnerie et reconnaît le réveil à quartz qu'il utilisait en... 1997 ? 23 ans plus tôt ? En se redressant, il se cogne au plafond, et il réalise qu'il a dormi dans la mezzanine de son appartement de 1997. Sans savoir ni pourquoi ni comment, il est en 1997, mais il a tout oublié : travail, loisir, amis, amies et une terreur le saisit.

   Ailleurs, Pascal Vialeau, 30 ans, se réveille dans un appartement inconnu, dans un monde dont il ignore tout.

   Peut-on changer de vie ? Quel est le prix à payer ? Récit parfois cruel, parfois souriant : comment faire opposition à un avenir où tout et tous semblent décider à votre place ?

Pascal Vialeau se réveille un matin dans la peau de l'homme qu'il était quelques vingt années plus tôt. Pendant ce temps, ce dernier se lève avec stupeur dans l'avenir que son moi du futur vient de quitter. Comme s'il n'était déjà pas assez compliqué d'endosser une vie qui n'est pas ou plus tout à fait la sienne, cette alternance ne se produit qu'un jour sur deux !

Il est fréquent dans la fiction, et jusque dans les comédies familiales cinématographiques, c'est dire si c'est un lieu commun, de trouver un personnage amené à revisiter sa vie passée en conservant tous ses souvenirs plus âgés. Il est peut-être un peu moins fréquent de croiser un personnage qui découvre par anticipation sa (possible ?) vie future. Mais que ces deux « moi » échangent leur actualité, tentent de communiquer et de s'organiser sans se rencontrer est déjà plus original.

Sur la forme, le lecteur pourra trouver pénible le long monologue du narrateur. Car s'il est présent en deux versions, il n'est toujours que Pascal qui dans sa jeunesse dû choisir entre sa carrière de développeur en informatique, ses expériences théâtrales et son goût prononcé pour la guitare classique. L'action progresse lentement et le détail des journées de l'un et de l'autre devient vite répétitif. Si l'on est assez âgé toutefois, on goûtera les détails relevant des années 90 ou les contrastes amusants entre les époques. On pourra apprécier aussi, un sourire grinçant aux lèvres, la manière dont l'auteur égratigne plutôt gentiment le théâtre expérimental et nombriliste ou les artistes qui jouent les divas et usent de leur aura pour martyriser leur entourage.

Reste que le principal problème est traité avec intelligence : nous ne sommes pas la même personne à vingt ans de distance. Ce que nous avons réalisé, ce qui nous satisfait au présent n'était peut-être pas du tout du goût du jeune homme que nous fûmes. Quant à ce dernier, il est probable que nous aurions envie de lui lancer des claques pour le remuer ou pour soulager l'agacement qui ne manquerait pas de nous gagner en sa compagnie.

Pierre Viguié joue de tout cela en suivant un personnage qui a probablement plus que des initiales en commun avec lui. Nous changeons tous, Pascal Vialeau le premier, et cette sorte de deuxième chance qui s'offre à lui nous conduit à songer à notre propre chemin, le temps d'un récit somme toute pas désagréable.
 

David SOULAYROL
Première parution : 30/6/2025 nooSFere