Six mille hommes et femmes quittent une Terre déliquescente grâce au projet fou d’un richissime ingénieur. Plusieurs groupes ont payé leur ticket vers un ailleurs plus verdoyant : le capitaine Jake Holman et son associée Gail, un groupe de quakers, une ex-famille royale arabe, des Cheyennes, un contingent de Chinois et leurs dirigeants, ainsi que quelques individus isolés.
Leur destination : une planète qu’ils ont surnommée Forêtverte, en raison de son climat tempéré et de ses similitudes avec la Terre. Ce nouveau lieu de vie n’est pas censé abriter une espèce intelligente. Pourtant, dès leur arrivée, les colons découvrent de petits villages habités par des créatures extraterrestres. Mais celles-ci ne sont pas originaires de la planète. Alors que sont-elle et qui a bien pu les envoyer ici ? Et surtout : pourquoi ?
Nancy Kress est née à Buffalo en 1948. Considérée comme l'une des écrivaines majeures de la SF, elle a obtenu trois prix Nebula pour ses nouvelles et un prix Hugo. Les Faucheurs, dernier volet de la trilogie qui comprend également Réalité partagée et Artefacts (Pocket SF), a obtenu le prestigieux John W. Campbell Award pour le meilleur roman de SF. Son oeuvre a été traduite dans le monde entier.
Critiques
Futur proche. Quittant une Terre en piètre état, l’Ariel s’élance vers l’une des cinq exoplanètes habitables découvertes par les humains : Forêtverte. À bord du vaisseau, affrété par une compagnie privée, six mille colons en hibernation, issus de diverses obédiences – des néo-quakers pacifistes, une ex-famille royale arabe, un discret contingent chinois, des Cheyennes désireux qu’on les laisse tranquille une fois sur place – mais bien décidés à vivre en harmonie sur ce nouveau monde. Une fois les colons sur place, l’installation se déroule sans mal… jusqu’à ce qu’on découvre la présence d’extraterrestres sur Forêtverte, réparties dans plusieurs villages distants. Première forme d’intelligence extraterrestre jamais découverte, les Velus, tel qu’on les surnomme, se caractérisent par leur apathie ; du moins, pour certains, car d’autres tribus s’avèrent plus agressives, et d’autres encore assez euphoriques. Qui sont-ils ? Pourquoi sont-ils ainsi ? Et d’où viennent-ils ? Car une chose est sûre : ces Velus ne sont pas indigènes, et leur installation sur Forêtverte est récente. Bientôt, c’est un vaisseau extraterrestre qui arrive en vue de l’exoplanète ; au grand étonnement des colons humains, celui-ci transporte des êtres quasi-végétaux – les Tiges –, dont la chimie ne se base pas sur l’ADN. Les Tiges sont en conflit contre les Velus depuis des siècles, mais, dans l’incapacité morale de tuer, ces créatures végétales ont opté pour une autre approche. Et la colonie humaine se retrouve au beau milieu de cette guerre larvée…
Nouvelle incursion de Nancy Kress dans le space opera, Feux croisés débute comme le récit d’une colonisation exoplanétaire auquel vient s’ajouter le thème du premier contact… avant de basculer, à la moitié du livre, dans le registre de la guerre interstellaire, perçue par le petit bout de la lorgnette. Classique (un peu trop, peut-être) mais efficace, d’autant que les relations entre les différentes factions humaines et leurs problématiques sont bien rendues, et que les Tiges et leur végétale culture (ha !) savent surprendre. Le roman n’abandonne pas pour autant les préoccupations favorites de l’auteure – à commencer par les modifications génétiques, tant humaines qu’extraterrestres, et leurs implications morales. En dépit de ses défauts (une intrigue quelque peu bancale, des personnages assez fades, des thématiques parfois survolées), l’histoire reste néanmoins plaisante à suivre, avec son ambiance old school. Il ne s’agit peut-être pas du récit le plus fameux de notre auteure, plus à l’aise sur la distance courte, mais même en mode mineur, Kress sait mener sa barque. Si Feux croisés constitue une histoire finie en soi, notons que la conclusion laisse la porte ouverte à une suite : Crucible (2004, inédit en français).
Alors que la Terre agonise, entre dérèglements climatiques et désordre social mondial, un navire-nef s'envole. A son bord, les passagers endormis se composent de Terriens fortunés et de leur entourage : il s'agit d'un vaisseau construit à l'aide de fonds privés, et ses actionnaires vont tenter de partir d'un nouveau pied sur Forêtverte, un monde accueillant prétendument vierge. A leur arrivée, néanmoins, les candidats à l'exil s'apercevront que la planète est déjà habitée par des « velus » dont le comportement curieux varie totalement d'un village à l'autre. Les colons ont à peine entrepris de nouer le contact avec lesdits velus que d'autres extraterrestres se profilent à l'horizon...
Ce roman de Nancy Kress part sur des bases intéressantes : en lieu et place de héros préoccupés par l'avenir de l'Humanité, des hommes et femmes égoïstes qui pensent à leur propre préservation et à celle de leur descendance. Et des personnes assez typées pour ce type de trame classique : il y a là des Cheyennes, des néo-quakers, des Musulmans... L'arrivée sur la planète confirme cette thématique : les colons, tout en essayant de vivre ensemble, reproduisent les dissensions et clivages qui minaient leur Terre d'origine. Il aurait été intéressant, lors de la découverte des velus, de poursuivre dans la même veine, et de traiter de problématique d'identité et de relations sociales, voire de racisme. Mais Kress choisit soudain une voie complètement différente, celle de l'affrontement galactique entre extraterrestres. Et elle retombe sur une trame archi-rebattue, d'un classicisme qui évoque irrésistiblement la science-fiction des années 50. Sa description de sociétés aliens a beau être relativement convaincante, on s'ennuie ferme à la lecture de péripéties prévisibles et surtout mille fois vues. Rajoutez à cela certaines ficelles grosses comme des cordes marines (le honteux secret à l'origine de la fortune de Jake, maintes fois évoqué avant d'être enfin livré au lecteur), ou certains tics scénaristiques énervants (quand l'auteur choisit un protagoniste dont elle expose le point de vue, les événements inattendus ou les coups de théâtre se produisent systématiquement dans le dos du personnage choisi), et vous obtiendrez alors un livre assez médiocre. On attendait largement mieux de la part de Nancy Kress.