DENOËL
(Paris, France), coll. Présence du futur n° 387 Dépôt légal : octobre 1984, Achevé d'imprimer : septembre 1984 Première édition Roman, 320 pages, catégorie / prix : 8 ISBN : 2-207-30387-X Format : 10,7 x 17,8 cm✅ Genre : Science-Fiction
Quatrième de couverture
Voilà longtemps que la Terre a noué des relations amicales avec des races extraterrestres, toutes relativement primitives.
Alors qu'ils se demandent s'ils rencontreront jamais une civilisation plus avancée que la leur, les hommes constatent que leurs vaisseaux sont mystérieusement tenus à l'écart d'une certaine zone de la galaxie.
C'est alors que des visiteurs en provenance de cette région interdite invitent le Pr Thorndyke, le plus grand expert terrien en exo-linguistique, à séjourner chez eux.
C'est le récit de cette découverte mutuelle de deux cultures que tout sépare et des efforts menés par leurs représentants pour parvenir à se comprendre qui nous est livré ici par l'intermédiaire du journal de Thorndyke, mort pour avoir succombé à la séduction des Pe-Ellians.
Mais qu'est-ce que la mort, dans un espace si incompréhensiblement étranger ?
L'auteur :
Phillip Mann vit à Wellington, en Nouvelle-Zélande. L'Œil de la Reine, son premier roman, l'une des plus subtiles évocations de "mondes étrangers" que nous ait données la science-fiction, révèle un talent neuf, original et puissant.
Critiques
Le livre intrigue dès les premières phrases : « Marius Thorndyke est mort », nous informe Tomas Mnaba, le directeur de l'Institut Linguistique de Contact, mais c'est pour préciser aussitôt « quand je dis 'mort', je veux simplement dire mort selon les critères terriens. » Et très vite, le lecteur est informé que le professeur Thorndyke — le plus éminent exo-linguiste terrien — a été invité par les Pe-Ellians sur leur planète, et que ce qui s'est passé là-bas est assez singulier pour qu'après dix-huit jours, en violation flagrante de la déontologie et des règlements de sa profession, Marius Thorndyke renvoie Tomas Mnaba, son partenaire et ami. Resté seul sur Pe-Ellia, il disparaît après avoir « fusionné » avec ses étranges habitants, des humanoïdes de plusieurs mètres de haut descendant des reptiles.
C'est sous la forme de son journal que nous est contée cette aventure, celle de la découverte mutuelle des Terriens et des Pe-Ellians avec, en contrepoint, l'itinéraire personnel du professeur Thorndyke. Le procédé serait très banal si ce journal n'était régulièrement enrichi des commentaires de Mnaba et parfois même de quelques Pe-Ellians qu'il interroge a posteriori, permettant ainsi un élargissement et une mise en perspective des points de vue.
L'histoire se situe en 2076. Les humains disposent depuis quarante ans du moyen technique d'explorer la galaxie et, petit à petit, ont découvert des races extraterrestres, toutes moins évoluées techniquement. Ils ont également pris conscience d'être tenus à l'écart de certaines zones de la galaxie par une mystérieuse force — émanant des Pe-Ellians, bien sûr, d'où l'importance de l'enjeu...
On suit avec un intérêt soutenu la description subtile du choc des cultures, les doutes et les souffrances de Thorndyke, la perte progressive de sa distanciation professionnelle au profit d'un comportement moins rationnel, certes, mais sans doute plus humain : « Éprouver une émotion en moi : l'analyser. Observer une émotion chez autrui : l'analyser. C'est seulement maintenant que je commence à comprendre qu'une émotion peut se suffire à elle-même, ou plutôt, qu'il faut l'accepter pour ce qu'elle est. » (page 144). Malgré sa compétence, malgré son expérience, il finit par carrément baisser les bras devant l'aliénitude des Pe-Ellians, tant leur perception de l'univers et leur organisation sociale (que signifient les taches et motifs qui ornent leurs peaux ?) lui échappent : « Comment pouvons-nous comprendre une espèce pour qui la pensée est un matériau de construction ? » s'exclame l'infortuné professeur (page 251).
Thorndyke est le personnage principal du livre, mais aussi, paradoxalement, son point faible : il manque en effet un tantinet d'épaisseur (on sait peu de ses goûts, et quasiment rien de son passé). Cela n'est pas rédhibitoire, dans la mesure où le journal est celui d'un scientifique qui relate une expérience — mais le roman aurait gagné en force avec un Thorndyke plus humain, auquel on puisse s'identifier plus aisément. On peut aussi considérer comme une facilité le fait que les ET possèdent, comme par hasard, un métabolisme proche du nôtre... Mais ces défauts demeurent secondaires, car la planète Pe-Ellia et ses habitants sont les véritables « héros » de l'histoire. À eux seuls, dépeints avec originalité et sensibilité, ils valent le détour, tant il est vrai que l'auteur réussit brillamment là où beaucoup ont échoué : introduire le lecteur dans une société, une culture, une psychologie véritablement autres.
Un premier roman d'un auteur néo-zélandais. encore inconnu en France, et qui réussira sans doute une percée remarquée avec ce livre. Non pas que les idées abordées soient d'une originalité transcendante (le thème principal de « l'œil de la reine » est le contact entre les terriens et une civilisation extra-terrestre différente,raconté par deux experts invités sur la planète étrangère) mais le traitement est suffisamment neuf pour attirer l'attention et le personnage central est traité avec une sensibilité qui le fait littéralement jaillir hors des pages.
Le récit se déroule sous forme de notes, prises simultanément par les deux exo-spécialistes dont le plus âgé, Thorndyke, fut l'un des fondateurs de l'Institut de Linguistique de Contact. Le livre décrit, de façon à la fois intérieure (les notes de Thorndyke) et du point de vue d'un observateur extérieur (Mnaba, le second terrien), la prise de conscience de Thorndyke d'une réalité autre,qu'il ne peut plus se contenter de décoder en suivant les règles qu'il a autrefois établies mais dans laquelle il finit par se fondre, renonçant par-là même à son humanité.
Dès les premières pages le livre vous accroche et vous entraîne dans une spirale vertigineuse, quasiment sans temps morts jusqu'à la fin. Il y a longtemps que je n'avais pas lu un livre de cette qualité sur un sujet pareil.