« De tous les opprimés doués de parole, les enfants sont les plus muets. » Ainsi commence Les enfants d'abord, virulent pamphlet signé Christiane Rochefort, dans lequel l'écrivain s'emploie à défendre l'enfant et à dénoncer l'intolérable situation qui est la sienne 1. Pour son sixième roman, Christopher Stork reprend avec bonheur tous les thèmes de Rochefort et tient des propos que cette dernière ne pourrait qu'applaudir des deux mains : « Ne croyez-vous pas qu'il est temps, plus que temps que les adultes fichent la paix aux enfants, qu'ils cessent de les emprisonner dans ces schémas bornés qui constituent ce qu'ils nomment l'éducation, ces petits cercueils où ils nous enferment vivants. » Ainsi s'adresse lui à la pédagogue Myriam Elder.
Mais qui sont lul, laz, Aër... ces anges blonds venus d'ailleurs, ces gosses adorables et inquiétants mystérieusement apparus sur notre planète ? Des mutants, des extraterrestres ? « Naître est notre sommet », nous dit Christiane Rochefort. « Jamais nous ne serons aussi formidables que ce jour-là. Après on ne fait que décliner. » Pourquoi ? Et Stork de nous asséner une terrible révélation : « Car l'âge adulte n'est pas un épanouissement au contraire. C'est une régression, une maladie. » lui et les siens sont venus sur Terre afin de sauver les enfants, ces « étrangers en Terre étrangère » 2, ils sont venus « arrêter l'horloge du temps intérieur » de l'espèce humaine. Mais celle-ci a d'autres soucis que le bonheur de sa progéniture...
Un roman grave et important, à lire et à méditer 3.
Notes :
1. Paru en 1976 chez Grasset. On lira aussi l'interview de Christiane Rochefort parus dans Mouvance n° 2 sur l'éducation. 2. Selon l'expression de Théodore Sturgeon (interview parue dans Opzone n° 3). 3. Dommage que Stork n'ait pas écrit ce livre plus tôt. Car cet auteur aurait été plus qu'à sa place dans Pardonnez-nous vos enfances, l'anthologie que j'ai réalisée en 1978 pour Denoël sur le thème SF et enfance.