Auteur prolifique, B. R. Bruss possède un métier certain. Même lorsque l’écriture de ses romans est assez négligée (c’est le cas ici), même lorsqu’il ne dessine qu’à traits vagues ses personnages (c’est encore le cas ici), il réussit à créer une intrigue valable qu’il expose de façon à retenir l’intérêt du lecteur (c’est, toujours, le cas ici).

    Le point de départ est constitué par la catastrophe d’un astronef et, surtout, par le fait qu’un certain nombre de planètes « ne répondent plus ». La Confédération galactique dont elles font partie s’inquiète, et envoie en mission un brillant agent du nom de Peter Leroy. Ce sont les aventures de ce dernier qui constituent l’essentiel de ces pages ; l’auteur réussit à tenir son lecteur en haleine par la succession d’énigmes mineures, qui sont progressivement résolues sans que le mystère principal soit éclairci pour autant. Sur Asla II, dont les habitants sont tous pétrifiés, Peter Leroy rencontre l’amour en la personne de Lora Perez : cette jeune fille, qui s’était soumise à une hibernation volontaire, revient à elle et lui raconte l’étrange invasion de mouches qui précéda la pétrification générale. Elle l’accompagne dans la suite de ses pérégrinations, et ils découvrent ensemble une planète où le temps a subi une monstrueuse accélération, puis une autre où il s’écoule à rebours…

    L’explication finale aurait pu amener une déception, puisqu’il ne s’agit ni d’un bouleversement de la structure temporelle, ni d’une invasion belliqueuse. L’adresse de B. R. Bruss consiste à avoir réussi cette chute sans amener une impression de futilité ; de plus, alors que tant de récits de science-fiction se fondent sur le contraste des petites apparences pour de grandes réalités, l’opposition inverse est la bienvenue. Sur ces points, l’auteur mérite des éloges.

    Mais la silhouette simpliste des personnages sacrifie trop largement à la convention : Peter Leroy est le jeune héros sans peur, Lora Perez la pure jeune fille, son père le savant génial et solitaire, Sven Oslov l’administrateur intègre et éclairé (il faut cependant remarquer, autre point louable, que le roman ne comporte aucun « méchant »). La narration se déroule sur un rythme rapide, mais l’écriture porte la marque d’un travail accompli en vitesse, ce qui prive les descriptions de tout relief et les rend simplement fastidieuses.

    Au total, cependant, le roman se lit sans déplaisir, même si l’on regrette que de bonnes idées n’y aient pas été exploitées avec plus de soin.

Demètre IOAKIMIDIS
Première parution : 1/7/1964 dans Fiction 128
Mise en ligne le : 28/12/2023