Ce roman baigne dans la même eau que
L'ombre dans la vallée et quelques autres : ce futur post-atomique dont le côté « âges farouches » est tempéré par un érotisme bon enfant (culte de Priape). un hédonisme gentillet (culte de Bacchus). et un emploi haut en couleur du patois provençal, qui arrondit les angles. Ici, une communauté méditerranéenne matriarcale, où pointent les pouvoirs psi (l'auteur lorgne du côté de
L'an 0 1 de Gébé — ses héros portent même le fameux chapeau conique de la bédé), se heurte à l'hégémonie religieuse d'une autre communauté, plus puissante et ayant sauvé la technologie d'avant : les rockandins, ainsi nommés parce que vivant dans la cordilière des Andes, sous la protection du Grand Dieu Bon (en abrégé : GDB).
On voit que l'humour de Le May chausse de gros sabots, mais sa bonne humeur est si communicative et sa verve si chaleureuse, qu'on oublie les facilités (inévitables et quelque peu san-antoniennes dans les séquences de b..., heu, de contacts charnels), pour se payer de bonnes pintes de rire ou de sourire. La construction est lâche, et l'auteur se paye même le luxe de nous offrir une préface ante-cataclysmique — qu'on croirait gratuite avant de se rendre compte que ladite préface sert à introduire le deus ex machina (comme disaient nos ancêtres les Romains), ou le Mac Guffin (selon Hitchcock) : en l'occurrence des bouteilles de Martini gonflées à l'aphrodisiaque, qui serviront à assouplir les rapports (ou à les tendre, selon un point de vue inverse) entre les Rockandins et les villageois pagnolo-antoniens. En somme, faites l'amour, pas la guerre, comme on disait sagement en 68, avant d'écrire de la « jeune SF française ».
Bref, ce Le May-là n'est pas hautain, grandiloque et didactique, comme il nous en assène parfois. Il est simple, marrant, sympa, paillard. Note idéologique : 10 sur 10. En somme, du meilleur Le May,
Jean-Pierre ANDREVON (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/1/1984 dans Fiction 347
Mise en ligne le : 1/12/2005