Floringel vivotte tant bien que mal sur les collines, en attendant de parvenir à se faire embaucher par le Maître de Cimelair, le grand aristocrate qui possède la Montagne. Jouant de son luthiole aux portes de Cimelair, il parviens enfin, un beau soir, à se faire remarquer par le nanti qui rentrait chez lui. Embauché, le jeune ménestrel n'a qu'une idée en tête : retrouver son grand amour.
L'auteur est visiblement une débutante, mais elle a de l'ambition : les critiques anglo-saxons diraient qu'elle a tenté d'œuvrer dans la fantasy of manners, c'est-à-dire dans ce sous-genre de la fantasy qui s'amuse à jouer avec une langue hyper-précieuse et à tisser des rapports complexes entre les personnages. Hélas, Marie-Hélène Debien n'est pas Ellen Kushner, Delia Sherman ou Patricia Wrede (ne cherchez pas : elles ne sont pas traduites), et en fait de pyrotechnie nous n'avons droit qu'à une cacophonie maladroite. Son style hésite entre l'amateurisme embarrassé et la mignardise ampoulée. Elle nous assomme de néologismes vaguement ridicules comme « tisanieul », « chococroquants », « pitonambic » et autres « cristincelles », dont nous devons deviner le sens. Elle accumule les fautes de français et les incorrections stylistiques tout en essayant d'écrire de manioère fleurie et primesautière.
Ajoutez à ces nombreuses et irritantes fautes une propension à sauter du coq à l'âne (ainsi, que se passe-t-il donc entre la page 26 et la page 27 ? L'éditeur aurait-il perdu des feuilles du manuscrit ?), un goût pour les images oniriques que ne soutendent aucune logique interne, des faiblesses dans le traitement des points de vue... Et vous obtenez un roman ni fait ni à faire.
C'est d'autant plus dommage que Marie-Hélène Debien fait preuve d'une imagination prometteuse. Mais moins qu'à l'autrice, c'est à l'éditeur (l'éditrice, de fait) qu'il faut reprocher les incroyables défauts de ce Voyageur en hiver. Certainement trop habituée aux rééditions (qu'il s'agisse d'ouvrages anglo-saxons originaux, forcément déjà publiés outre-Atlantique, ou de reprise d'éditions françaises venues du grand format), pour lequel le travail de direction littéraire a déjà été mené, ou à des auteurs francophones déjà professionnels, la maison J'ai Lu semble ici singulièrement incompétente dés lors qu'il s'agissait de diriger le travail d'un nouvel auteur. Faute que les éditeurs français autorisent l'existence d'agents littéraires, c'est aux directeurs de collection qu'il incombe, de conseiller les auteurs, orienter leur écriture, corriger leurs textes...
En l'état, en l'absence d'une véritable direction littéraire, ce roman s'avère illisible. Il ne s'agit pas d'une œuvre aboutie, mais bel et bien d'un brouillon.
Dommage pour l'autrice (qui méritait sans doute mieux), dommage pour les éventuels lecteurs.
André-François RUAUD (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/2/1999 dans Bifrost 12
Mise en ligne le : 21/3/2002