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La Grande parlerie

Roger BLONDEL


Illustration de Roger BLONDEL

ÉDITION SPÉCIALE
Dépôt légal : 2ème trimestre 1973
Première édition
Roman, 192 pages, catégorie / prix : nd
ISBN : néant
Genre : Imaginaire


Quatrième de couverture
L’AUTEUR
« On dira bientôt c’est du BLONDEL comme on dit du Genêt, du Lautréamont, du Joyce ou du Giraudoux. » Mathieu Galey avait raison ; ceux qui aiment les livres disent aujourd'hui c’est du BLONDEL. Sa griffe : le plaisir, les surprises, l’insolence, l’humour, la vie.
Entre son manoir du XVIIIe siècle en Auvergne et le gratte-ciel qu’il habite en plein Paris, cet adolescent de 78 ans écrit des rêves dont il sera bientôt difficile au lecteur de se passer.

LE LIVRE
Qui parle ? Tout le monde. Des milliards de mots à la minute, sous toutes' les latitudes. Ça parle... Ça parle : « Connais-toi toi-même. » — « J’ai gagné au tiercé. » — « Je t’aime. » — « Le journal dit que... » — « Tu m’emmerdes. » Milliards de mots qui dansent, tourbillonnent, s’accordent, se heurtent, bafouillent, s’entrecroisent dans un incroyable réseau, et finalement dessinent les figures de l’histoire.
Ce roman, la Grande Parlerie, estfaitde même mouture, comme tout ce qui se dit et s’écrit ; ses personnages usent des mêmes mots. Des mêmes, puisau’il n’y en a pas d’autres. Simplement de façon un peu différente. La différence fait seule le parfum très insolite et l'humour de ce livre irremplaçable.
Critiques
 
     — Un livre, au juste, qu'est-ce que c'est ?
     — C'est un certain nombre de feuillets rectangulaires recouverts d'un certain nombre de signes imprimés. Les feuillets sont réunis par la tranche avec de la colle ou du fil blanc, les signes forment des mots, des phrases, des paragraphes, des chapitres. Autour des feuillets il y a une couverture avec parfois un dessin brillant, et puis quelques autres mots qu'on appelle titre, qui n'ont parfois aucun rapport avec le contenu du livre, comme...
     Sans tambour ni trompette ?
     — ...ou L'automne à Pékin, oui, mais parfois aussi ils résument ce qu'il y a dans le livre, ou ils en désignent la substance, comme...
     — Comme La grande parlerie ou Un endroit nommé la vie ?
     — Exactement.
     — D'accord. Mais tu n'as pas réellement répondu à ma question. Quand je te demande qu'est-ce que c'est, un livre, je veux dire : comment ça vient, comment ça naît, et puis aussi : à quoi ça sert ?
     — Ce sont des questions compliquées, qui demandent des réponses compliquées. Trop compliquées pour moi. Je peux simplement te dire qu'un livre vient d'abord de l'envie de quelqu'un de raconter quelque chose, une histoire qui lui est arrivée ou qu'il vient d'inventer, ou alors l'envie de communiquer à autrui des pensées qui lui semblent fondamentales sur l'organisation du monde. Il prend alors des feuilles de papier, un stylo à pointe feutre bleu ou vert et...
     — Tu me racontes des histoires. C'est toi qui écris un livre, tu bêtifies à bon compte, tu poétises à peu de frais avec des mots légers comme des plumes. N'importe qui peut écrire n'importe quoi, alors ? N'importe qui peut être imprimé ?
     — Ecoute... je t'ai dit que je ne ferai pas de réponses compliquées. Bien sûr, il est plus difficile à un ouvrier de prendre la plume ou le feutre qu'à un professeur de faculté, parce que l'organisation sociale est ainsi faite que la culture et son usage sont aux mains d'une classe, c'est vrai. Et il est vrai aussi que si les idées exprimées par un écrivain sont jugées trop dangereuses pour la société, il ne pourra pas les faire imprimer, la censure le bâillonnera.
     — Ecrire, alors, c'est politique ?
     — Tout est politique. Mais nous nous écartons du sujet, de la bienséance, des règles courantes de la conversation de bon ton. Restons avec le type qui a simplement envie de raconter une petite histoire, pour se faire plaisir et pour faire plaisir à quelques autres... Il a achevé son travail, il l'envoie à la direction littéraire d'une société capitaliste qu'on appelle maison d'édition...
     — Et il est édité.
     — Minute ! Il est édité si on juge qu'il y a une petite chance que le futur livre plaise à un certain nombre de lecteurs ; donc qu'il puisse se vendre et rapporter de l'argent. C'est la loi. Autrement, si l'éditeur pense que le manuscrit n'est pas dans la mode, n'est pas dans le courant, n'est pas dans un genre ou un style dans le vent, il le refuse avec une phrase de ce genre : « Votre ouvrage, bien que d'une excellente tenue, ne nous paraît pas convenir à une publication dans le cadre de nos collections, et nous vous prions... »
     — Mince ! C'est vraiment du vécu, ton truc. Mais nous nous sommes encore écartés du sujet... J'ai à peu près compris comment un livre naît. Mais tu ne m'as pas dit à quoi il sert.
     — Il faudrait que tu comprennes une fois pour toutes que parler d'un livre, c'est parler de tout, de rien, c'est comme de parler de la vie. On ne s'arrêtera pas de s'écarter du sujet. Il y a les règles et puis les exceptions ; les données générales et puis les sentiers qui bifurquent ; les lois et puis toutes les manières possibles de les tourner. Un livre, c'est fait d'abord pour passer le temps, pour se donner un peu de plaisir...
     — Mais plaisir comment ?
     — Il y a toute sorte de plaisirs. Un peu comme dans l'amour, si tu veux. L'orgasme immédiat, la longue caresse, les acrobaties... Il y a des livres qu'on dévore et qu'on oublie aussi vite, d'autres qu'on savoure, qu'on boit à petites gorgées, qu'on garde sur sa table de chevet ou dans sa poche, pour le métro, et qu'on abandonne pour se faire la surprise d'y revenir un peu plus tard, à l'improviste. Les vrais livres d'ailleurs, je crois que c'est comme ça qu'il faut les utiliser, c'est en tout cas comme ça que je les aime. Ce ne sont pas ceux qui vous imposent un monologue mais ceux qui invitent au dialogue, ceux qui ménagent entre leurs lignes des blancs pour les réponses.
     — Est-ce que je me trompe, si je suppose qu'il en est ainsi de La grande parlerie et de Un endroit nommé la vie ?
     — Pas du tout.
     — Mais est-ce que ce n'est pas seulement du petit effet de style, du vagabondage littéraire, de la fantaisie primesautière, de l'insolite brumeux ? Ils ne sont pas profonds, ces Blondel, ils ne sont pas politiques !
     — Tu veux vraiment me caricaturer ! Je n'ai jamais prétendu que les seuls bons livres étaient ceux qui politiquaient au premier degré... Le vrai bon livre, c'est celui qui est fait avec amour du travail bien fait ; le vrai bon écrivain, c'est celui qui ne méprise pas son lecteur, donc qui ne méprise aucun homme, et qui aime la justice, et qui aime la vie. Par exemple, il ne peut pas exister un bon écrivain raciste — et c'est une autre façon de retomber dans la politique. Blondel est à cette image. Même quand il signe B. R. Bruss des petits space-opera au Fleuve Noir, on sent qu'il se soucie de garder une qualité de style, un sens du récit, un respect immense pour toutes les créatures stéréotypées qu'il met en scène. Ici, il se laisse flotter, hors cadre, dans la fantaisie du rêve et l'insolite du quotidien. Mais son léger c'est du solide, sa fantaisie c'est son regard, son humour c'est sa profondeur...
     — Peut-être. Mais en tout cas, ces deux bouquins ne rentrent pas du tout dans les modes et dans les genres auxquels tu faisais allusion tout à l'heure : ce n'est pas la SF, pas de l'horreur, on n'y trouve pas sexe, pas de sociologie, de tantrisme, d'écologie...
     — Ben oui. C'est l'exception, le courage de la différence. Et il faut tirer son chapeau à Edition Spéciale, qui a édité deux bouquins qui, à priori, ne sont pas, comme on dit, « commerciaux ». Il faut maintenant souhaiter que, du côté des lecteurs, ça répondra.
     — Encore faudrait-il que tu en parles un peu plus précisément, de ces livres, au lieu de tourner autour comme un papillon. Les gens qui lisent Fiction, ils veulent du sérieux, du documenté, du didactique, un petit résumé, une analyse, une note sur vingt ! Je croyais t'avoir entendu dire que tu détestais la « critique impressionniste »...
     — D'accord, je suis piégé. Mais qu'est-ce que tu veux ! Je ne sais vraiment pas quoi dire de La grande parlerie et de Un endroit nommé la vie... Je sais bien que dire « j'aime », ça suffit pas. Mais qu'est-ce que j'aurais pu écrire en son temps sur Bradfer et l'étemel ? Les ouvrages de Blondel, ce ne sont même pas des histoires, ce sont des jeux de mots, des mots croisés, entrecroisés, des couleurs, des bruits, des odeurs, tout un panorama qui vous entoure, vous envahit, et en même temps vous échappe complètement. Blondel parle de tout, de rien, il parle des « choses de la vie », et ce qu'il nous dit n'a d'autre signification que le fait même de parler. Prends les onze nouvelles de Un endroit nommé la vie, par exemple. L'art du conteur tient tout entier dans le fait de conter, et non dans celui de raconter. Les sept et la princesse, sa meilleure nouvelle, ce n'est qu'une énième variation sur ces récits de chevalerie où c'est le plus humble et le plus pauvre des prétendants qui conquiert le cœur de la belle ; le récit ne t'apprend rien, ni la morale ; ce qui compte, c'est la manière dont c'est dit. Mais c'est bien sûr La grande parlerie qui est le plus significatif de cette non-signification, puisque le livre est composé en entier d'une multitude de conversations enchaînées entre des personnages aux noms bizarres : Giro, Lhorm, Lhourma, Plache, Gire, Lolir, Krum, Sondai, Urna, Suf, Lorlin, Bolog, Sim, fiisifert, Boal, Herlam, Sorfem, Barium, Sargo, Bihilic, Boudou, Hurno, Irvin, Lornil, Jol, Hirlette, Uglin, Pizo et cinquante autres. On ne les connaît pas, ils n'ont pas de psychologie, pas de physique, et pourtant on les reconnaît comme nos semblables, nos frères, nos voisins, nos amis, nos amours, parce que leurs mots sont les nôtres, et leurs maux, et leurs peurs, et leurs espoirs, et leurs problèmes, le tout posé sur un nuage, sans avoir l'air d'y toucher, sans avoir l'air d'y penser...
     — Alors La grande parlerie et Un endroit nommé la vie sont de grands livres, et Roger Blondel un grand écrivain ?
     — Qu'est-ce que tu vas chercher là ? Qu'est-ce que ça veut dire, grand ? Tu n'as donc rien compris ? Quand on lit Blondel, on n'a pas envie de lui tresser des lauriers, de lui servir du « maître », de décortiquer sa pensée. On a envie de le rencontrer, de lui serrer la pince, de lui dire ils sont chouettes, vos livres, de lui payer un verre, et puis de vite le laisser filer pour qu'il puisse avoir le temps d'en écrire d'autres.
     — Cet ange du bizarre parle donc avec la voix de l'amitié ?
     — La voix humaine, simplement.
 

Jean-Pierre ANDREVON (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/6/1974 dans Fiction 246
Mise en ligne le : 13/9/2015

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