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L'Oiseau moqueur

Sean STEWART

Titre original : Mockingbird, 1998   ISFDB
Traduction de Nathalie MÈGE
Illustration de Benjamin CARRÉ

CALMANN-LÉVY (Paris, France), coll. Interstices précédent dans la collection n° (3) suivant dans la collection
Dépôt légal : août 2006
Première édition
Roman, 256 pages, catégorie / prix : 18 €
ISBN : 2-7021-3674-5
Genre : Fantasy


Quatrième de couverture
     Jeune trentenaire installée dans le sud des Etats-Unis, Toni Beauchamp vient d’enterrer sa mère Elena, fameuse dans la région pour sa réputation de sorcière et sa propension à voir son esprit investi par quelques divinités mineures peu adaptées aux arcanes de notre monde contemporain. Rien de grave dans tout cela, sinon qu'enfant Toni ne supportait pas de voir sa mère constamment montrée du doigt, et qu’elle a fini par développer un véritable blocage vis-à-vis de son ascendance. Comment réagir, dès lors, en découvrant qu’avec le décès d’Elena, c’est à elle-même qu'échoient ces talents pour le moins singuliers ? Comment admettre, enfin, son héritage ?
     Par cette oeuvre sensible et douce-amère, métaphore subtile de l’acceptation de ses racines, Sean Stewart s’impose en digne héritier des maîtres du réalisme magique. Calvino, Pynchon ou Garcia Marquez. Mais L’Oiseau moqueur nous offre aussi le portrait magnifique d’une femme d’aujourd’hui face aux mystères de la maternité.

     Né au Texas en 1965, Sean Stewart a déménagé au Canada avec sa famille à l'âge de trois ans. Après des études littéraires entrecoupées de divers petits métiers (de couvreur de maison à directeur de théâtre amateur), suivies par une courte carrière dans le jeu vidéo, il a décidé de se consacrer à l'écriture, oeuvrant « à la confluence de Faulkner, Tolkien, Dostoïevski, Conrad et Ursula Le Guin » selon des propres mots. Après de nombreuses années passées à Vancouver, Sean Stewart est retourné vivre aux Etats-Unis.

     « Stewart écrit sur la magie comme s’il s’agissait d’un fait journalier, avec ses propres règles et ses propres motifs. »
New York Times Book Review
Critiques
[Chronique commune aux trois premiers titres de la collection « Interstices ».
Les passages détaillant les deux autres titres ne sont pas reproduits ici.]

     Louable initiative des éditions Calmann-Lévy de lancer en cette rentrée littéraire 2006 une nouvelle collection entièrement dédiée aux désormais célèbres transfictions, si bien décrites par Francis Berthelot. Pilotée par Sébastien Guillot (qui dirige également une collection de fantasy chez le même éditeur), « Interstices » a le mérite d'afficher clairement la couleur : des textes parfaitement intégrés à la très large famille des littératures de l'imaginaire, mais précisément vendus au rayon mainstream. Les fans de S-F y trouveront évidemment leur compte et un lectorat tout neuf pourra par là même s'initier à un type de littérature qui, en s'émancipant des schémas narratifs traditionnels, s'impose d'emblée comme un courant cohérent, novateur et enthousiasmant. Trois ouvrages ont donc débarqué chez les libraires ces jours-ci : l'inconnu Sean Stewart et son Oiseau moqueur décidément très convaincant, le cultissime Koshun Takami et son célèbre roman Battle Royale (best-seller au Japon, et dont on a tiré le film éponyme), sans oublier le très attendu Jeff VanderMeer avec la non moins attendue Cité des saints et des fous. Couvertures sobres et décalées (à des années-lumière des horreurs criardes si courantes en S-F « standard »), textes évidemment inclassables (c'est la marque de fabrique de la collection), le pari est risqué, certes, mais revigorant et rassurant. A l'heure où les éditions FMR et Panama allient leur force pour rééditer la célébrissime « Bibliothèque de Babel » (cf. notre « focus » dans le Bifrost n°43) chapeautée à l'époque par Borges, « Interstices » vient occuper un espace éditorial que peinait à combler « Lot 49 » (dirigée par Claro, dont on a pu apprécier le travail de traducteur sur un roman aussi difficile que La Maison des feuilles de Danielevski), jusqu'ici seule sur le terrain de la littérature « bizarre », en tout cas en tant que collection.

     Après lecture, force est de constater que la collection réussit son pari et démarre d'entrée de jeu en frappant très fort : deux textes exceptionnels (Stewart et VanderMeer) et un moyen (Takami), mais dont le positionnement et la lisibilité lui assurent en principe un grand succès public, consolidant au passage « Interstices » en la rendant (on lui souhaite de tout coeur !) immédiatement rentable. Reste à espérer que la collection continuera sur le même registre, mais les quelques noms qui filtrent peuvent nous rassurer : Christopher Moore, par exemple, pour n'en citer qu'un.

     [...]

     Les choses sérieuses démarrent vraiment du côté du formidable roman de Sean Stewart. L'Oiseau moqueur est un petit bijou d'intelligence et de sensibilité, le tout baignant dans une ambiance douce-amère de nostalgie un peu dingue du plus bel effet. On y suit la vie d'une trentenaire qui perd sa mère et qui doit assumer un héritage familial plutôt difficile à gérer : un père adorable, mais parti trop tôt, et une soeur gentille comme tout, mais un poil trop accrochée à un Latino à moitié fou qui se ballade au volant d'une véhicule customisé habilement nommé muertemobile. Autant de petites choses pas simples auxquelles s'ajoutent un licenciement récent et la décision de faire un bébé toute seule après insémination artificielle, parce que, quand même, faut pas déconner. Autre détail qui mérite le détour, le statut un peu particulier de la morte : sorcière à ses heures, et régulièrement possédée par des divinités mineures qui la « pilotent » littéralement lors de transes. Pensant d'abord que cette « particularité » disparaît avec sa mère, la narratrice comprend bientôt avec horreur que le don (ou la malédiction) lui échoit à son tour. Dès lors, comment concilier une future vie de famille, un manque maternel terrible et l'obligation de continuer malgré tout, comme avant, en assurant le mieux possible ? Avec beaucoup de subtilité, Sean Stewart se glisse dans la peau d'une femme cynique, certes, mais fragile et largement dépassée par les événements, pour une chronique familiale dont la petite musique hante longtemps le lecteur avec des pointes d'humour acide qu'on pourrait résumer en une seule phrase piochée en ouvrant le roman presque au hasard : « Si vous voulez toucher le coeur d'un homme, sciez-lui les côtes. » A noter au passage le superbe travail de Nathalie Mège, qui livre ici une traduction millimétrée.

     [...]

     Avec ces trois titres, « Interstices » sort donc joyeusement des sentiers battus et s'aventure sur un terrain évidemment miné, mais passionnant. Une aventure éditoriale que l'on espère longue et qui donnera peut-être quelques idées aux concurrents. Au final, c'est le lecteur qui gagne, et c'est pas si courant...

Patrick IMBERT (site web)
Première parution : 1/10/2006 dans Bifrost 44
Mise en ligne le : 13/3/2008

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