L'hypothèque doit être levée sur les romans dits « pour la jeunesse ». Niourk, de Stefan Wul, a été réédité récemment en Folio-Junior ; a-t-il pour autant dégringolé de quelques échelons dans la qualité ? En réalité, un bon livre (n'en cherchons pas la définition) doit pouvoir être lu par tous, de... 12/13 ans, disons, jusqu'à la sénilité complète.
C'est le cas de ce Tyran d'Axilane 1, une sorte d'heroic-fantasy sans manichéisme, sans violence inutile, et prolongé par une réflexion morale aucunement plaquée : sur la terre d'Axilane, une troupe de baladins (ils ont la peau noire, et viennent sans doute de la Terre, même s'ils ont oublié leur origine) est capturée par un tyran local, Tikobal. Tikobal se sert du pouvoir d'un des baladins, le funambule Sidonel, qui a le pouvoir unique et héréditaire de voyager dans le futur.
Roman sur le paradoxe temporel, donc (c'est par un tour de passe-passe dans le temps que Sidonel débarrassera le monde du tyran), et aussi roman sur le pouvoir, Le tyran d'Axilane est surtout un récit poétique : pour se propulser dans le futur, Sidonel doit marcher sur la trajectoire solidifiée d'une flèche qu'il tire grâce à son arc magique ; le tyran comme preuve de ce pouvoir, l'envoie d'abord, en plein hiver, chercher une rose d'été ; et Sidonel, à mesure qu'il court vers l'avenir, vieillit de plus en plus vite. Toutes ces notations, présentées sans apartés inutiles, concourent à donner au récit un ton que Grimaud possède en propre, à mi-chemin entre la parabole non dénuée d'une pensée politique précise, et le récit d'aventures le plus coloré possible. A ce titre, Le tyran d'Axilane se place dans la continuité de La dame de cuir (Denoël), à mon avis le plus beau roman français de SF paru en 1981, et resté bien négligé par la critique.
Notes :
1. Notons que le roman vient de remporter le prix SF-jeunesse 1983