Lirelle est une jolie jeune fille, hélas simple d'esprit. Un jour, involontairement entraînée dans un autre univers par un mage capable de voyager de mondes en mondes, elle devient la « perturbation », dont l'existence interdit désormais les déplacements spatio-temporels.
Ce premier roman contient de bonnes idées, mais insuffisamment exploitées. Par exemple, l'esprit déficient de Lirelle va être totalement modifié lors du transfert avec le mage Mèn-Gi : en accédant aux connaissances du maître, la voilà qui s'éveille à l'intelligence et qui acquiert instantanément une science du combat ordinairement réservée à quelques initiés.
Lirelle passe ainsi instantanément du statut de débile à celui d'héroïne sans que soit développée la phase de transition, celle qui justement aurait été intéressante. Cette situation aurait notamment pu être traitée à la manière du roman de Daniel Keyes, Des Fleurs pour Algernon, en montrant comment la pensée de la jeune femme se structure progressivement. Didier Quesne ne s'y est pas essayé, ce que l'on peut regretter.
De même, l'existence de plusieurs univers n'a finalement que peu d'importance puisque, en dehors de l'introduction, tout se déroule dans un même lieu. Et, si la transformation de Lirelle est évidente, on se demande en vain quelles sont les répercussions du transfert sur l'esprit de Mèn-Gi. Enfin, quand Lirelle fusionnera avec un « xénos », une sorte de monstre, lui-même venu d'ailleurs, on aimerait là aussi ressentir en quoi son esprit est devenu différent, alors qu'elle demeure elle-même une jeune femme assez ordinaire.
Au lieu d'exploiter pleinement les potentialités de ses prémisses, Didier Quesne va donc se contenter de schémas narratifs assez ordinaires. Lirelle débarque dans un monde machiste dominé par les « Surveillants » et est jetée dans un « collège » pour femmes indésirables. Après avoir subi quelques brimades, elle sera rapidement informée de l'existence de rebelles, les « Libres », qu'elle se hâtera de rejoindre.
L'écriture est certes plaisante, mais cela ne suffit pas à rendre vraiment passionnante cette histoire assez manichéenne qui regagne vite des rails connus et qui en outre manque singulièrement de vigueur.
Avec ce premier roman, Didier Quesne prouve qu'il est capable d'organiser un univers cohérent et doté d'un certain relief. Il lui reste encore à élaguer son récit pour en dégager le rythme, et à mieux affirmer son originalité.
Pascal PATOZ (lui écrire)
Première parution : 2/4/2001 nooSFere