Quatrième de couverture

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Critiques

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     Encore une saga d'heroïc-fantasy dans les rayonnages des librairies qui sont déjà bien encombrés par ce genre. Mais celle-ci est particulière car on peut la qualifier de retorse. Dissimulant son roman sous des dehors de fantasy classique, l'auteur nous piège habilement dans une histoire complexe qui échappe aux lois du genre. La Bataille des rois est le troisième tome (qui correspond à la première moitié du tome II américain) de cette saga. Après avoir lu les deux premiers, nous savons que ce cycle est tout sauf prévisible, alors nous nous méfions de nos réflexes de lecteurs d'heroïc-fantasy, de nos schémas de pensées forgés par des lectures comme celle de la Belgariade. Nous suspectons chaque indice, nous anticipons beaucoup moins l'intrigue. Car l'auteur ne respecte pas les règles du genre ; au contraire, il prend un malin plaisir à les violer, n'hésitant pas, par exemple, à blesser, à estropier, voire à tuer des héros que l'on suit depuis deux cents pages. Et bien sûr, pour mieux laisser planer le doute, il n'agit jamais systématiquement. Malgré notre prudence, la surprise joue de nouveau à plein, ce qui est une sensation agréable.

     Pour parvenir à cet effet, G.R.R. Martin utilise un procédé classique : il met en scène un héros central par chapitre, ce qui lui permet de faire progresser le récit sur à travers de nombreux thèmes et lieux, et de mettre en place le royaume des sept couronnes avec le mystère de l'hiver, les batailles entre les nobles, les gardiens du Mur sans être contraint de faire traverser la moitié du monde par ses héros.

     L'inconvénient de cette méthode est que l'intérêt du récit est fortement centré sur la personnalité des personnages et malheureusement, il n'a pas su les rendre tous aussi intéressants les uns que les autres. Ce qui génère des moments d'ennui, comme des moments d'excitation et de jubilation intense. Néanmoins l'auteur utilise cette technique assez finement pour créer un malaise chez le lecteur. En épousant complètement le point de vue de chaque protagoniste, il nous empêche de nous distancier de certains dont la morale est parfois douteuse. Car les personnages décrits sont humains, quel que soit leur camp : ils se combattent, ils se trahissent et chacun d'entre eux porte sa part d'ombre et de faiblesse, tout en restant la proie du doute et de l'incertitude face à l'avenir.

     De ce troisième tome se dégagent du froid, de la douleur, de l'âpreté. Les complots qui agitent les sept couronnes se font de plus en plus noirs et l'explosion est pour bientôt. L'amitié est souvent bafouée, les principes saccagés, et on assiste impuissant à la ruine d'un monde, renforcée par un style cru, très terre à terre. Le fait de ne rien nous révéler sur ce qui se passe au-delà du Mur ajoute une dose de mystère et de magie, et éclaire de manière originale les guerres, somme toute classiques, qui agitent les humains.

     Cette ambiance oppressante de chaos, ajoutée à une galerie de personnages assez réussie dans l'ensemble, nous donne un récit d'héroïc-fantasy qui se démarque sans peine de la production actuelle par sa qualité et son originalité. Malheureusement on est obligé d'attendre la traduction de l'autre moitié du roman, ce qui rompt très désagréablement le charme de la lecture. Je l'ai déjà ressenti avec le premier tome américain (formé par le Trône de Fer et le Donjon rouge) : l'éditeur a du mal à couper les livres originaux en deux sans les dénaturer. Je conseillerais donc d'attendre la sortie du prochain, l'Ombre maléfique, pour pouvoir lire d'une traite le tome II de cette saga. Sa sortie est prévue en mai.

Benoît LUCAZEAU (lui écrire)
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