Ironie du sort : ce courant plus ou moins imaginaire baptisé « SF politique », et tant décrié par les critiques de tout poil depuis sa mort supposée, est en train de pointer de nouveau le bout de son nez... au Fleuve Noir. Génération Clash illustre bien ce retour, discret mais réel. Plusieurs autres bouquins dans la même veine sont parus l'année dernière, mais celui-ci est exemplaire.
G. Morris situe l'action de son roman dans un futur proche, après l'apparition au sein des cités de « Quartiers Balkanisés » où résident les marginaux ; la position de ces deux pôles géographiques autour desquels se cristallise toute une série de dichotomies sociales, politiques, etc. a le mérite de clarifier le propos, et permet au récit de s'articuler très précisément, chaque déplacement des personnages s'accompagnant d'un déplacement mental, d'une réinterprétation politique. Le thème plus particulièrement traité ici est celui de l'enfance — classe sociale ? réalité biologique ? réalité psychologique ? — et G. Morris ne laisse de côté aucune donnée actuelle du problème : langage spécifique, à la fois appauvri et retravaillé, sensibilité particulière aux modifications culturelles, inadaptation affective...
Bien sûr, il s'agit d'un roman d'action. Bien fait, d'ailleurs. Mais surtout intéressant, stimulant — quelle que soit la distance que le lecteur peut prendre avec les thèses exposées. Et peut-être n'est-il pas sans importance que des livres de ce genre apparaissent dans une collection à grande diffusion, au lieu de voir le jour chez de petits éditeurs. Affaire à suivre...
Emmanuel JOUANNE
Première parution : 1/4/1983 dans Fiction 339
Mise en ligne le : 1/6/2006