Robert FORWARD Titre original : The Flight of the Dragonfly, 1984 Première parution : Analog Science Fiction/Science Fact, décembre 1982 à février 1983. En volume : Timescape, avril 1984 (version étendue)ISFDB Traduction de Jacques POLANIS
Robert LAFFONT
(Paris, France), coll. Ailleurs et demain Dépôt légal : février 1986 Première édition Roman, 336 pages, catégorie / prix : 92 FF ISBN : 2-221-04609-9 Format : 13,5 x 21,5 cm✅ Genre : Science-Fiction
La science-Fiction est riche d'astronefs et de voyages interstellaires. Mais la plupart du temps, le héros presse un bouton et, comme par magie, son appareil se retrouve de l'autre côté de la galaxie.
Robert Forward, qui est physicien avant d'être écrivain, décrit ici un vol interstellaire vraisemblable. Une "voile" de mille kilomètres de diamètre est poussée vers l'étoile de Barnard, une de nos plus proches voisines, par un "vent de lumière" produit par une batterie de lasers géants installée autour de Mercure. L'idée peut surprendre mais elle est valide. A cette voile est suspendu le vaisseau interstellaire proprement dit, le Prométhée.
A l'issue d'un voyage de cinquante ans commence l'exploration. Barnard a des planètes dont l'une, le monde de Roche, a une forme presque incroyable, en haltère, mais qui, ici encore, ne contrevient pas à la physique. Et, sur ce monde, les héros de Forward découvrent une forme de vie à la fois étrange et séduisante qui les aidera à se tirer d'un mauvais pas.
Soucieux des détails, Robert Forward fait renaître ici la jubilation des lecteurs de Jules Verne découvrant les aménagements du Nautilus ou de l'Albatros. Il évoque aussi, à l'occasion de l'exploration d'une autre planète, quelque chose de l'atmosphère scientifique et aventureuse des croisières d'un commandant Cousteau sidéral.
Critiques
Second roman de Forward traduit chez nous, Le vol de la Libellule ne risque guère de surprendre — au premier abord, du moins — ceux qui avaient lu L'œuf du dragon, son prédécesseur. Les deux livres sont construits sur le même schéma : une expédition scientifique — américaine, bien sûr — est envoyée étudier un astre inconnu et particulier où elle rencontrera une race extraterrestre non-humaine avec laquelle elle aura des échanges plus ou moins fructueux.
Mais il ne suffit pas de remplacer une naine blanche par un monde double relié lors des marées par une chute d'eau interplanétaire, ni les cheelas par les flouwens pour donner une idée du Vol de la libellule. La simplicité de la structure et la pauvreté psychologique des personnages s'y opposent à l'exactitude des notations scientifiques et à une imagination qui parvient à se montrer autant « réaliste » — un point sur lequel on insiste beaucoup en page quatre de couverture : la crédibilité prospective du texte — que délirante.
Car Forward, malgré ses défauts — dont la plupart relèvent du genre dans lequel il se situe — , possède une solide santé et un don pour faire passer chez le lecteur ce sentiment d'extase scientifique que l'on a pu éprouver à huit ou neuf ans face à un télescope ou à l'envoi d'une fusée pour les plus jeunes. De plus, il sait agrémenter ses idées de base — la voile photonique, Rochemonde, les flouwens — de multiples détails qui, souvent, font mouche. Comme ces « lutins » chargés de surveiller les membres de l'expédition lors du voyage, durant lequel leur intelligence va notablement diminuer suite aux effets secondaires du No-Die, une drogue de longue-vie ou la scène d'accouplement des flouwens, qui ne manque pas d'humour.
Les amateurs de hard science sauront négliger l'indigence narrative de Forward pour apprécier l'impact de ses idées ; les autres n'auront qu'à lire les cinquante pages d'annexés : tout y est. Mais un peu de poésie aurait été la bienvenue.