Il y a plus de mille ans vivait un Enchanteur qui se nommait Merlin.
Il était jeune et beau, il avait l'œil vif, malicieux, un sourire un peu tendre, un peu moqueur, des mains fines, la grâce d'un danseur, la nonchalance d'un chat, la vivacité d'une hirondelle. Le temps passait sur lui sans le toucher. Il avait la jeunesse éternelle des forêts.
Pour les hommes, il était l'ami, celui qui réconforte, qui partage la joie et la peine et donne son aide sans mesurer. Et qui ne trompe jamais.
Pour les femmes, il était le rêve. Elles n'étaient pas amoureuses de lui, ce n'était pas possible, il était trop beau, inaccessible, il était comme un ange. Seule Viviane l'aima, pour son malheur, pour son bonheur peut-être, pour leur malheur ou leur bonheur à tous les deux, nous ne pouvons pas savoir, nous ne sommes pas des enchanteurs.
C'est l'histoire de leurs amours, et des amours de Lancelot et de la Reine, et de Perceval et Bénie, et les exploits des grands chevaliers légendaires, en des pays fabuleux, que Barjavel raconte dans ce livre, avec une simplicité d'écriture qui rejoint la fraîcheur naïve des récits anciens. Et avec sa poésie et son humour habituels.
Critiques
Avec ce livre, René Barjavel nous invite à une plongée dans le temps, plus de mille ans dans le passé, dans un monde féerique, un univers de vaillants chevaliers, de fringants destriers et de belles dames, le tout marqué par le sens du merveilleux propre à la littérature médiévale. L'Enchanteur, qui donne son titre au roman, n'est autre que Merlin, le héros mythique de la Quête du Graal. Barjavel ne se contente pas, pour autant, de bâtir un doublet de l'œuvre de Chrétien de Troyes ou du cycle des récits arthuriens. Il nous propose une variation subtile dans laquelle son style poétique et son humour se fondent à la naïveté et au charme des récits épiques que nous a légués le moyen-âge. Le cadre féérique et fantastique de ces légendes médiévales nous est fidèlement restitué, servi par une plume enchanteresse dans un style agréable qui nous séduit de la première à la dernière page. L'auteur parvient à insuffler la vie à ces personnages légendaires et à nous rendre contemporains de leurs multiples aventures.
Comme dans les précédents récits de Barjavel, on retrouve ici cette situation conflictuelle entre les personnages principaux, dans le cas présent entre Merlin l'Enchanteur et la belle Viviane. L'amour impossible (à consommer) entre Merlin et Viviane sert de trame à cette histoire. Le temps n'a pas de prise sur eux, car ils jouissent de pouvoirs surnaturels, mais l'amour leur est refusé sous peine de perdre ces pouvoirs. C'est le problème de l'incommunicabilité qui resurgit une fois de plus et qui traverse tout le livre.
A l'heure où fleurissent un peu partout les récits d'heroic-fantasy, pas toujours très réussis, avec leurs héros stéréotypés issus d'un même moule, il serait bon de se plonger dans ce livre pour avoir une vision plus intelligente et plus poétique de ces chevaliers légendaires et de ces pays fabuleux que l'imagination féconde de Barjavel a su faire revivre pour notre plus grand plaisir.