Le Visage vert, cette histoire de Gustave Meyrink tissée de fantastique et d'amour, se situe dans les brumes et les mystères d'Amsterdam en 1918, au lendemain de la guerre. Ce roman considéré souvent comme le chef-d'œuvre du génial auteur du Golem en est une sorte de pendant : Fortunat Hauberisser correspond à Athanase Pernath, comme Eva Van Druysen à Mirjam. Les uns et les autres vivent un amour à leur mesure. Mais l'amour peut-il devenir l'instrument magique permettant de passer de l'autre côté du miroir, de franchir le mur des apparences sensibles pour atteindre l'univers vrai ? Ce magnifique roman réunit en lui de multiples aspects ; merveilleux roman d'amour, c'est aussi un roman hermétique auxclés diverses. Meyrink, héritier d'Hoffman et de Poe, inspirateur de Kafka, fait courir comme en filigrane à travers toute son œuvre ses thèses occultistes et la profonde connaissance qu'il a de l'ésotérisme, de la Cabbale et de l'alchimie, de même qu'il parle d'Amsterdam comme il parle de Prague dont il connaît toutes les légendes, des plus fabuleuses aux plus secrètes.
Gustav Meyrink, né à Vienne en 1868 et mort en Bavière en 1932, était en effet un extraordinaire connaisseur du visage caché des villes comme il était un extraordinaire explorateur de l'âme humaine aux franges de l'inconscient. Le Visage vert est le récit d'un de ces voyages qui touche aux limites du monde sensible. Mais les autres œuvres essentielles de Meyrink peuvent toutes se caractériser ainsi, passionnantes et diverses malgré leur apparente ressemblance : le Golem, la Nuit de Walpurgis, l'Ange à la fenêtre d'Occident, tous romans publiés par Retz dans sa collection « Les œuvres fantastiques ».
Gustav Meyrink est surtout très connu pour son roman Le Golem mais, paradoxalement, cette célébrité a éclipsé le reste de son œuvre. C'est pour réparer cet injuste oubli que les Éditions du Rocher ont décidé de publier l'intégralité de sa production (Le Golem excepté). Le premier roman qu'elles nous proposent est Le Visage Vert, considéré comme son chef-d'œuvre, éblouissante réflexion sur l'éveil de la conscience.
L'action se déroule au lendemain de la Première Guerre Mondiale, à Amsterdam, où se côtoient des gens de toutes les classes sociales et de toutes les religions en quête de sensations ou de croyances renouvelées. Un monde haut en couleur, fascinant et dérisoire à la fois, duquel émergent des figures de kabbalistes acharnés, de demi-mondaines, d'illuminés ou d'arrivistes. Parmi eux se trouvent l'ingénieur Hauberisser et une jeune femme aisée, Eva, qui vont connaître une bouleversante histoire d'amour, qui sera aussi une étape décisive dans leur cheminement spirituel.
L'action du Visage Vert est dense, et chaque événement qui survient entraîne un bouleversement sensible chez les protagonistes, modifiant leurs perceptions habituelles et créant entre eux tout un réseau d'interconnexions. De nombreux personnages interviennent, issus d'horizons très différents, et leur confrontation donne lieu à de longues discussions métaphysiques, toujours passionnantes, sur la religion et sur le développement de la vie intérieure. La lecture du manuscrit de Chidher le Vert (chapitre XI) est, à cet égard, un sommet du genre par ses propos philosophiques, très ambitieux, sur l'immortalité de l'âme et sur la prise de conscience par l'homme d'une réalité supérieure. Un grand roman mystique.