Robert Holdstock relate, dans un avant-propos écrit en décembre 2005, pour la présente édition, les conditions particulières qui ont favorisé la genèse de la trilogie de Raven. Les deux auteurs voulaient, autour de deux bouteilles de beaujolais, créer le pendant féminin de Conan. Les héroïnes guerrières avaient déjà fait les beaux jours des amateurs d'aventures et de Science-fiction. Mais aucune n'avait le profil de la femme des âges farouches, d'être l'Élue chargée de sauver le monde, dans un contexte de Fantasy ! Ils ont donc conçu une guerrière, une femme qui lutte pour conquérir sa liberté, puis la conserver, malgré son destin.
Pour l'heure, Su'uan fuit la ville de Lyand, où elle était esclave, dans des conditions dramatiques. Alors qu'elle lutte contre les monstres qui vont la déchiqueter, elle reçoit l'aide de Spellbinder un guerrier d'argent et de nuit. Celui-ci confie à Argor, le chef d'une bande de hors-la-loi, de lui enseigner l'art du combat sous toutes ses formes, jusqu'à en faire une machine de guerre, une tueuse capable de survivre dans toutes les situations. Spellbinder, également sorcier, lui révèle sa nature. Elle n'est plus Su'uan, elle est Raven la maîtresse du chaos.
Mais celle-ci, avant toutes choses, veut se venger de celui qui l'a contrainte, celui qui l'a forcée quand elle était esclave. Elle retrouve sa trace. Cependant, pour l'approcher dans le royaume de Karhsaam où il a pris la tête des armées, elle doit retrouver le Crâne de Quez. Commence alors une quête en compagnie de Gondar Sans-Pitié, un géant et de Spellbinder, le sorcier aux buts bien obscurs. Mais n'y a-t-il pas trop d'embûches, trop de dangers pour parvenir à accomplir sa vengeance ? Elle a beau être l'Élue, elle n'en n'est pas moins mortelle !
Les deux auteurs se régalent à imaginer nombre d'avatars pour leur héroïne, la faisant passer, parfois avec un certain sadisme, par des épreuves où elle est bien molestée, maltraitée. Cependant, sa pugnacité, sa volonté de vengeance lui permettent de triompher. Ils font de cette guerrière une femme de décision, maîtresse, à défaut de son destin, au moins de son corps. C'est elle qui décide de se donner à l'homme qu'elle se choisit, au moment où elle le veut. Toutefois, et c'est dommage compte tenu des objectifs fixés, de lui laisser quelques « faiblesses » bien féminines comme : « La tension contractant ses jambes douloureuses » ou « trop nerveuse pour rester tranquille ». De plus, était-il utile de laisser Raven s'abandonner aux plaisirs de Lesbos ?
Si l'intrigue est classique, elle est traitée de façon attrayante, laissant toujours affleurer une pointe d'humour, un second degré, même dans les phases les plus violentes. Quelques scènes sont particulièrement réussies comme une bataille entre deux mages, qui nous valent quelques pages superbes. La traduction, qui date de 1988, est signée par Michel Pagel, bien connu par ailleurs pour son immense talent d'écrivain. Dans quelles conditions celui-ci a-t-il débuté cette nouvelle activité ? Fallait-il du « rendement » ? Ce qui pourrait expliquer les quelques imperfections que l'ont peut relever dans le texte, comme l'existence de Porridge dans un tel univers, des expressions comme « Les cris chargés de vin des hors-la-loi... ».
Cela dit, Raven est une héroïne attachante dont on suit le parcours avec un grand plaisir, impatient d'en savoir plus sur le destin qui l'attend.
Serge PERRAUD
Première parution : 19/6/2006 nooSFere