BRAGELONNE
(Paris, France) Dépôt légal : mars 2008, Achevé d'imprimer : février 2008 Première édition Roman, 480 pages, catégorie / prix : 20,00 € ISBN : 978-2-35294-155-2 Format : 15,2 x 23,8 cm Genre : Science-Fiction
« Lovegrove est au XXIe siècle ce que Ballard fut au XXe. »
Bookseller
Sarajevo, Grozny... Londres ?
À l'heure où l'Irlande est à peine apaisée, où l'Écosse manifeste des velléités d'indépendance, James Lovegrove, l'auteur de DAYS, est de retour avec un nouveau livre événement, roman catastrophe et roman d'amour, imaginant la désintégration dramatique de son pays.
Dans une Grande-Bretagne mise au ban de la communauté internationale, bombardée au hasard, qui n'est plus que ruines, de minuscules communautés survivent tant bien que mal en s'accrochant aux traditions ancestrales et aux mythes qui structurent leur identité.
C'est dans cette Angleterre à la fois terrifiante et magique que l'instituteur Fen Morris va entreprendre un voyage afin de sauver celle qu'il aime...
James Lovegrove est l'une des figures de proue de la nouvelle fiction britannique. Il ressuscite le genre de l'anticipation, dans la tradition de George Orwell ou Aldous Huxley. Son regard satirique, inventif et critique sur le monde contemporain a su toucher le public avec DAYS, succès inattendu porté par la ferveur des libraires, la reconnaissance de la presse et l'enthousiasme des lecteurs. Après avoir fait mouche sur le consumérisme, Lovegrove revient avec brio et émotion remettre en cause nos certitudes ordinaires.
Critiques
Dans un futur proche, l'Angleterre est tombée dans le chaos suite à des erreurs de gestion gouvernementale : « D'abord la banqueroute, puis le fiasco d'une expédition militaire hasardeuse censée relancer le pays, et enfin la fuite des élites politiques. » (p.72) Autour de Londres, devenue une zone dangereuse dominée par les gangs, quelques villages s'en tirent honorablement comme celui où vit tranquillement Fen, qui exerce toujours son métier d'instituteur, tandis que son mariage avec Moira se délite lentement... Jusqu'au jour où un gang londonien effectue un raid sur le hameau, bastonnant les hommes et kidnappant Moira parmi d'autres femmes. Fen décide alors de se rendre seul et à pied à la capitale, distante de 80 kilomètres, pour libérer son épouse.
Royaume désuni est le deuxième roman de James Lovegrove traduit en français après Days, une journée dans la vie d'un grand magasin, qui avait connu un succès critique important en France à sa sortie en 2005. Cette fois, l'auteur traite un thème beaucoup plus SF mais bien moins original avec cette histoire post-apocalyptique. Certes, cette déchéance du Royaume-Uni est due à une mauvaise gestion étatique plutôt qu'à une bombe atomique ou à une catastrophe écologique, mais les conséquences en demeurent à peu près les mêmes : disparition des structures sociales et du maintien de l'ordre, retour à une société violente et sauvage, apparition de bandes armées... Mad Max sur le gazon.
Après un début en trombe, Lovegrove découpe l'intrigue en deux récits parallèles : d'un coté le voyage de Fen, road-movie filmé au ralenti, périple initiatique de cet instituteur dans un pays peuplé de personnages et de communautés étranges ; de l'autre le parcours violent et douloureux des femmes tombées aux mains du gang.
L'épopée de Fen, qui occupe la majeure partie du livre, est rythmée par plusieurs rencontres inégales : alors que le chauffeur de train indien se révèle passionnant, le passage dans la communauté salteriste tire à la ligne et le château de Beam semble n'apparaître que pour permettre à Fen d'y passer deux mois de convalescence.
Les femmes sont de leur coté enfermées dans des « zones de récréation », bordels réservés aux membres du gang. Seule Moira connaît un meilleur sort en devenant la maitresse officielle du chef de bande.
Ces deux narrations séparées se révèlent finalement assez ternes, et on regrettera que les autres aspects du roman ne soient qu'esquissés, notamment la situation politique et le rôle de la communauté internationale. Lovegrove semble préférer à ces considérations politiques la description d'histoires d'amour entre des personnages parfois stéréotypés, tel ce chef de gang dissimulant un grand sensible.
En conclusion, Royaume désuni penche plus du coté de la romance que de la fiction spéculative. Son style fluide entraînera facilement le lecteur au bout d'une histoire sans surprise, sans réelle déception mais sans moment inoubliable non plus.
Mise au ban des nations parce qu'elle a confié son destin à des dirigeants incapables, dangereux et, au bout du compte, démissionnaires, l'Angleterre est désormais totalement coupée du reste du monde. L'Irlande, le Pays de Galles, l'Ecosse et même le comté de Cornouailles ont fait sécession, isolant un peu plus le pays à la rose. Pour faire bonne mesure, la Communauté internationale, soucieuse de faire un exemple, ou tout simplement de se défouler, bombarde régulièrement le pays au hasard, causant des pertes humaines et matérielles aussi considérables qu'aléatoires.
Plongés dans le chaos depuis presque une génération, les Anglais essayent de survivre. Les Londoniens peuvent se vanter d'avoir encore l'eau courante et l'électricité — et même un peu d'essence ! — , mais ce sont là des privilèges que la capitale, désormais sous la coupes de gangs armés, n'a pu conserver qu'en fermant ses frontières au reste du pays. La vie est plus précaire dans les campagnes, mais aussi plus tranquille, comme à Downbourne, petite bourgade du sud-est du pays, où tout un chacun se débrouille comme il peut avec les moyens du bord — l'eau de pluie, les légumes du potager, l'entraide.
C'est d'ailleurs là que tout commence, à Downbourne, qui, un beau soir d'été, devient le théâtre d'une violence inouïe perpétrée par les Bulldogs anglais, gang majeur de Londres venu se ravitailler en concubines. Fen Morris, l'instituteur du village, s'en tire avec quelques méchantes contusions, mais sa femme, Moira, lui est prise par les brutes au crâne rasé. Et quoique leur mariage batte sévèrement de l'aile depuis le décès prématuré de leurs jumeaux et la dépression qui s'est ensuivie, Fen ne peut se résoudre à abandonner cette épouse qui le méprise. Il entreprend donc, seul, son sauvetage.
Mais rejoindre Londres à pied n'est pas une mince affaire, d'autant qu'au-delà des limites de Downbourne, c'est l'inconnu d'un monde retourné à l'état sauvage. La route de Fen croisera celle de Wickramasinghe, un cheminot un peu bizarre, puis celle des Saltérites, une secte de disciples d'un écrivaillon sans talent, et enfin celle de Beam, jovial propriétaire terrien qui, entouré des siens, coule des jours heureux dans son château. Il faudra à Fen dix semaines pour atteindre la capitale.
Son périple aux allures de voyage initiatique est entrecoupé de chapitres consacrés à Moira, qui prend la parole pour nous narrer son propre calvaire. D'abord cloîtrée dans une cellule sordide où elle échappe de peu à la mort, elle va devenir la concubine du Roi du Con, le chef charismatique du gang. Sort bien plus enviable que ses congénères parquées dans les « zones de récréation » et victimes de viols à répétition par toute la bande. Moira comprend assez vite qu'elle a tout intérêt à coopérer, car son statut privilégié peut lui permettre d'aider ses codétenues. Ou bien n'est-ce là qu'une histoire qu'elle se raconte pour justifier une collaboration qui lui apporte bien plus qu'elle ne saurait l'admettre ?
Là où l'on pouvait s'attendre à un tableau macroscopique d'une nation en pleine déliquescence, on trouve dans Royaume-Désuni le portrait intimiste d'une poignée de ses représentants jetés dans la tourmente. James Lovegrove est davantage un humaniste qu'un visionnaire : si son Angleterre plongée dans le chaos est crédible, elle est tout juste suffisamment décrite pour servir de prétexte, de décor au destin dramatique de ses personnages. Sur le quatrième de couverture, l'éditeur en appelle à la « tradition de George Orwell ou [d']Aldous Huxley », mais il serait plus exact d'évoquer Ray Bradbury, Walter Tevis ou, plus proche de nous, Ian R. MacLeod, tant il est vrai qu'ici l'histoire de quelques-uns reflète la problématique générale. C'est l'Angleterre en tant que nation qui a sombré dans la crise, et c'est à chacun des Anglais qu'il appartient de l'en sortir. Voilà pourquoi Fen doit poursuivre sa quête jusqu'au bout, et pourquoi Moira doit dépasser l'horreur de sa condition.
Royaume-Désuni est-il un bon roman ? Tout dépend des intentions de l'auteur. Comme récit d'anticipation, ça ne vaut pas tripette. Quelques pages seulement sont consacrées à l'histoire récente du pays, et même les origines de la crise sont à peine évoquées. Mais à la différence d'Orwell ou de Huxley, le propos de Lovegrove n'est pas de nous alerter sur ce qu'il risque de se passer si nous continuons dans cette voie (quelle qu'elle soit). Ce qui l'intéresse, c'est moins les événements que la façon dont les protagonistes — et à travers eux, l'ensemble de la société — y réagissent. Au contraire, rester dans le vague est une manière d'impliquer davantage le lecteur dans le roman, car la plupart des Anglais — tous, à l'exception des plus âgés — savent à peine comment on en est arrivés là, ou pourquoi la « Communauté internationale », ce croque-mitaine invoqué pour effrayer les enfants, les bombarde continuellement. Nous laisser dans le flou nous permet, d'une certaine manière, de mieux nous identifier aux protagonistes et donc de nous approprier leurs (més)aventures. Et si son récit n'est pas parvenu à tutoyer l'universel propre aux chefs-d'œuvre de la littérature d'anticipation, Lovegrove a su créer des personnages incroyablement vivants et attachants — ou détestables — , pas forcément originaux mais terriblement réels, et qui continuent de hanter son lecteur longtemps après la fin du livre.
Après le brillant et prometteur Days, on espérait de James Lovegrove une œuvre essentielle, un nouveau jalon de la littérature britannique. Il faudra patienter encore un peu. Ce qui n'empêche pas de se délecter de Royaume-Désuni, malgré tout un très bon roman.