Né en 1945, Jim Dodge est une figure atypique de la littérature américaine, à la fibre nettement écologiste et libertaire. Auteur de seulement quatre livres (dont Stone Junction, publié en 2008 dans la collection Lot 49), l’homme a pris le temps de vivre, exercé divers métiers — bûcheron, berger, joueur professionnel...
Il appartient à sa manière à la communauté des poètes du Grand Ouest américain : on pense à Richard Brautigan et son Général sudiste de Big Sur pour les divagations pacifiques, au James Crumley de La Danse de l'Ours pour mille raisons, au Denis Johnson de Déjà mort pour les vies d'aventure remontées au petit bonheur, à Will Oldham de Palace Music pour le trémolo dans la voix, à Sherman Alexie pour l'eau de feu, les visions... à tous ces tendres déconneurs qui dans les effluves matinaux de café remettent leur casquette, leur épaisse chemise à carreaux, et remontent dans le pick-up intersidéral de leurs vies cabossées.
(Nicolas Richard)
Orphelin, Titou est recueilli par son grand-père, solitaire et excentrique, porté sur le jeu et la bouteille, réfractaire à toutes les contraintes sociales, travail et impôts en premier lieu.
Malgré quelques divergences de caractère — Titou a la passion des clôtures, Pépé Jake les déteste — le duo fonctionne bien, et mieux encore du jour où déboule Canadèche, canard boulimique hautement sympathique, qui devient leur inséparable compagnon.
Trésor de malice et de tendresse, L'Oiseau Canadèche est un délicieux conte naturaliste moderne, brillant comme un coeur de canard.
1 - Nicolas RICHARD, L'Oiseau Canadèche, roman canard, pages 109 à 119, postface
Critiques
Jim Dodge est un auteur atypique : il n'a publié que quatre romans depuis Fup en 1983. Il a en outre été bûcheron, ramasseur de pommes, professeur, joueur professionnel... Il a vécu dans une communauté auto-suffisante, et prône les plaisirs simples et le respect de l'environnement. Toutes choses que l'on retrouve ici : Titou, orphelin, est recueilli par son grand-père, pépé Jake. Celui-ci mène une existence solitaire, en marge, en plein milieu de la forêt. Et surtout, il a un secret : on lui a confié la recette d'un whisky qui rend immortel ! À l'arrivée de Titou, néanmoins, il doit changer un peu son mode de fonctionnement, et s'ouvrir aux autres. Il va s'occuper de son petit-fils, lui apprendre la liberté, la nature, le échecs... Un beau jour, un canard fait son apparition au sein de ce couple, et va trouver tout naturellement sa place, tout en bousculant la routine établie.
Ce court roman d'une centaine de pages est un vrai bonheur ; d'une drôlerie folle, il convie le lecteur à partager la vie faite toute de simplicité de Titou et pépé Jake, comme s'il habitait avec eux. On va avec Titou planter les barrières qui entourent leurs terres, on fait la grasse matinée avec pépé Jake, on dévore avec appétit tout ce qui nous tombe sous la main avec Canadèche... Bref, on laisse les tracas derrière soi, on se contente d'être ensemble, entre éclats de rire tonitruants et coups de gueule salutaires. C'est la grande force de Dodge que de ne jamais nous faire sentir comme extérieurs à l'intrigue. Écrit avec une grande finesse, portée par la gouaille de ses protagonistes – toutes deux parfaitement rendues par la traduction de Jean-Pierre Carasso – L'Oiseau Canadèche, naguère publié en Seuil Points Virgule, est une réédition indispensable.