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La Cité de l'indicible peur

Jean RAY



LABOR (Belgique), coll. Espace Nord n° 253
Dépôt légal : avril 2006
Réédition
Roman
ISBN : 2-8040-2260-9
Format : 11,0 x 18,0 cm
Genre : Fantastique



Critiques des autres éditions ou de la série
Edition NOUVELLES ÉDITIONS OSWALD (NéO), Fantastique / SF / Aventure (1985)

     Œuvre figurant parmi ce que les amateurs considèrent comme étant les chefs-d'œuvre de Jean Ray, La Cité de l'Indicible Peur, a été maintes fois rééditée depuis sa parution originale en 1943, ceci sans compter l'adaptation (peu convaincante) qu'en a fait Jean-Pierre Mocky pour le cinéma.
     Construit comme un roman policier qui hésiterait à jouer au récit fantastique, l'histoire contée par Jean Ray se révèle fascinante tant que l'auteur n'en arrive pas au pensum de l'explication finale, tellement tirée par les cheveux qu'on croit relire avec stupeur les essais confus d'un mauvais imitateur d'Agatha Christie. Pourtant, les 180 premières pages s'étaient révélées pleines de trouvailles pour décrire cette atmosphère qui s'épaississaient au fur et à mesure des meurtres étranges et inexplicables qui s'étaient subitement mis à ensanglanter la frileuse petite bourgade anglaise d'Ingersham : l'aile de l'angoisse planait au-dessus du récit et des personnages de manière fort originale et tout pouvait laisser supposer que le roman allait se terminer de façon satisfaisante... Ce n'est malheureusement pas le cas et même le bref chapitre final bien venu ne parvient pas à effacer la désagréable impression que Jean Ray n'a pas vraiment su se tirer de sa propre intrigue. Dans un genre assez proche, j'avoue finalement préférer un Nous Avons Tous Peur de B.R. Bruss (réédité aussi chez NéO) même s'il est moins original et même si son « explication » semble tout droit sorti d'un récit populaire des années trente... Mais Bruss avait au moins l'avantage de rester cohérent d'un bout à l'autre de son roman.

Richard D. NOLANE (site web)
Première parution : 1/6/1985
dans Fiction 363
Mise en ligne le : 5/1/2005


Edition MARABOUT - GÉRARD, Bibliothèque Marabout - Géant (1966)

     Dans l'admiration que les lecteurs de Jean Ray portent à son œuvre, ce roman rustique et villageois n'occupe pas la place qu'il mérite. On lui préfère le souffle incandescent qui embrase Malpertuis.

     La cité de l'indicible peur mérite pourtant à plus d'un titre les soins vigilants de l'analyse. D'abord, c'est sans équivoque et contrairement à beaucoup d'autres récits de Jean Ray un pur roman policier. Le seul fantôme, le seul vrai, qui soit évoqué dans l'intrigue, y est totalement étranger et semble même la considérer avec le désir de s'en éloigner…

     Le mystère ici ne résiste pas à la lucidité de l'enquêteur. Les événements les plus étranges, les plus propres à invoquer le bouclier du surnaturel sont anéantis par une explication banale. Un peu comme si Jean Ray, voulant faire « marcher » son lecteur, lui faisait entrevoir les flammes de l'Enfer de Dante avant de le précipiter dans celui de Madame Bovary. Le propos de Jean Ray n'était certes pas de mystifier le lecteur, mais plutôt de se livrer à une de ses obsessions familières, qui consiste à démystifier la banalité quotidienne en la dépouillant de la sécurité dont elle se pare.

     Tout au long de ce livre, Jean Ray semble déjouer une conspiration silencieuse, arrachant des fausses barbes, bousculant des perruques ou frottant des visages mal grimés. De sa plume impitoyable, il fait voler en éclats l'apparence généreuse et respectable du bourgmestre ; la rondeur souriante du boulanger laisse échapper un coquin lubrique qui n'a peur égal que son voisin le boucher ; l'archiviste passionné de calligraphie et d'enluminures s'avère un familier de l'Arétin, tandis que les vieilles filles aux charmes refroidis ou fanés ne contiennent plus leur ardeur amoureuse…

     En semblant vouloir démontrer que l'humilité, la générosité, la modestie, les fonctions honorifiques, la richesse ne sont que les masques rassurants revêtus par un mal protéiforme. Jean Ray s'inscrit dans la lignée de Feuillade et des Vampires, dans la tradition de la littérature d'aventures débitée en fascicules : Nick Carter. Nat Pinkerton. Lord Lister et bien entendu Harry Dickson.

     La cité de l'indicible peur a pour intérêt majeur de rassembler les thèmes, les décors, les archétypes et les obsessions qui font tout le charme de l'œuvre méconnue de Jean Ray œuvre contenue dans une centaine de brochures dont le héros, Harry Dickson, se meut dans un univers situé entre l'Olympique et le 221 B Baker Street. Ces cent brochures constituent autant d'esquisses ou d'arpèges de l'œuvre accessible de Jean Ray. (Peut-être s'apercevra-t-on que certaines esquisses s'affirment plus belles encore que l'œuvre achevée.)

     Ainsi la mercerie et son déploiement de rubans, d'épingles, de chapeaux et de bonbons au miel, moderne caverne d'Ali Baba sur laquelle règnent de fausses vieilles filles aux instincts criminels, elle est apparue d'abord dans Le jardin des furies et Les yeux de la lune. La petite ville, la communauté paisible et respectable dont le calme est aussi trompeur que celui des eaux dormantes. Jean Ray les a déjà peintes dans Ce paradis de Flower Dale. Le monstre dans la neige, La statue assassinée. L'homme au masque d'argentLes sept villas

     Quant aux personnages de La cité de l'indicible peur, M. Triggs s'est d'abord manifesté aux côtés de Harry Dickson dans Les idées de M. Triggs, et l'archiviste libertin et faux monnayeur ne sont pas sans ressemblance avec son confrère des Yeux de la lune. Quant aux vieilles filles meurtrières, leur première apparition s'est produite dans La cité de l'étrange peur qui, en dépit de son titre, est d'un sujet différent de La cité de l'indicible peur mais qui lui a prêté quelques personnages : Lady Honnybingle (prénommée Florence dans la première version) et déjà favorisée d'un fauteuil de velours rouge.

     Si l'on doutait de la dette que ce roman doit à l'épopée de Harry Dickson, il suffirait de comparer quelques textes La scène du dîner offert par les sœurs Pumpkins à MM Dopner et Triggs a été reprise mot pour mot dans La cité de l'étrange peur. On y retrouve la même servante Molly, le même menu (augmenté il est vrai d'un pâté de pigeon) et les mêmes convives (moins M Triggs) portant les mêmes noms. Seul un échange d'état civil s'est produit entre l'hôtesse. Deborah Hasslop et une invitée. Miss Pumpkins. Enfin l'aventure de l'Ombre de minuit quarante-cinq a été reprise mot pour mot, ici encore, dans une aventure de Harry Dickson de même titre, au nom du célèbre détective a été substitué celui de Maple Repington.

     On le voit. La cité de l'indicible peur s'avère féconde en exégèses. La nouvelle édition qu'en offre la collection Marabout possède un attrait supplémentaire en la postface de Jacques van Herp, à qui nous devons la meilleure étude de l'œuvre de Jean Ray7 et d'autres articles sur lui dans le numéro spécial de Fiction qui lui était consacré8 . On ne peut lire sans émotion ce texte de van Herp, car l'auteur, cédant la parole à Jean Ray, reproduit des confidences enregistrées au magnétophone peu avant sa disparition. Jusqu'ici peu loquace sur lui-même, Ray nous conte son enfance, ses fugues, son passé peu connu de dompteur de fauves, l'histoire de sa grand-mère, une indienne Sioux. Et comme si le sort avait voulu ménager la pudeur du vieil écrivain, ces révélations intimes nous parviennent maintenant qu'il est mort.

Francis LACASSIN
Première parution : 1/2/1966
Fiction 147
Mise en ligne le : 7/4/2023

Adaptations (cinéma, télévision, BD, théâtre, radio, jeu vidéo...)
La Grande frousse , 1964, Jean-Pierre Mocky

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