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La Découverte de l'Atlantide

Dennis WHEATLEY

Titre original : They Found Atlantis, 1936
Traduction de A. H. PONTE

GALLIMARD (Paris, France), coll. La Blanche
Dépôt légal : 1938
Première édition
Roman
ISBN : néant
Genre : Science-Fiction


Critiques des autres éditions ou de la série
Edition NOUVELLES ÉDITIONS OSWALD (NéO), Fantastique / SF / Aventure (1984)

     Il semble que les mauvais procès aient tendance désormais à se multiplier. On sait Daniel Riche attiré par le paranormal et donc par une forme « classique » de fantastique. Il n'est donc pas surprenant de le voir s'intéresser à Denis Wheatley, dont Toby Jugg le possédé,paru naguère chez Marabout, donna une idée des « Récits de Magie Noire ». Ce n'est d'ailleurs pas récent : il y a dix ans déjà, dans le n° 9 de Nyarlathotep, Riche prenait la défense de cet auteur, trop méconnu selon lui. Et l'analyse nouvelle que donne sa préface de La découverte de l'Atlantidede l'accueil critique réservé en France à Wheatley est le lieu du mauvais procès en question.
     Voyons l'ouvrage. Dans les années 30, un savant allemand bénéficie de l'aide d'une jeune et richissime Américaine aux fins de localiser et retrouver l'Atlantide dans l'archipel des Açores. (Remember E.P. Jacobs !) La petite expédition, isolée au fond de l'océan, sera en effet recueillie par les survivants du continent perdu, avant d'être chassée d'un jardin paradisiaque où ces barbares de la surface réintroduisent jalousie, violence et crime. Soit. Le tout amené paresseusement au travers d'une intrigue policière (le secrétaire faux-jeton qui manigance pour un commanditaire la mainmise sur la fortune de la jeune femme) et d'un marivaudage galant (ladite jeune femme entourée de ses prétendants). L'action centrale, justifiant le titre, débute seulement à la page 121 (sur un total de 206), ce qui est un peu tardif ! Quant à la vision du mythe donnée par Wheatley, elle doit beaucoup à Conan Doyle. Bref, une œuvre agréable certes mais sans doute un peu légère. Je ne vois personnellement là aucune raison d'engouement particulier.
     Pourquoi faudrait-il en effet gober le fait que Wheatley paraisse être une institution dans les pays anglo-saxons ? Voilà une chose dont au contraire je me méfie aussitôt. En quoi le fait de voir son nom parrainer des rééditions de littérature satanique serait-il un garant de la qualité de son œuvre propre ? (Ne voit-on pas les éditions Plon vendre de fort méchantes séries sous le label gigantesque de Gérard de Villiers ?) Où se niche là-dedans le libre arbitre critique du lecteur ?
     Wheatley, l'un des plus grands ? Pour reprendre les éléments de comparaison du préfacier, je ne trouve pas que Wheatley parvienne à égaler Conan Doyle, ni a fortiori le grand Rider Haggard (que le même éditeur nous offre enfin systématiquement) — du moins dans ce livre-ci. Pour fonder une telle assurance, il eût fallu livrer le chef-d'œuvre de l'auteur. Si c'est le cas, le flop est cuisant. Et si La découverte de l'Atlantide n'est pas le meilleur livre de Wheatley, le choix est malheureux (dicté peut-être par la facilité de la simple reproduction de l'édition Gallimard ?). On pourrait ajouter encore qu'il paraît abusif de faire de Wheatley l'un des pères du fantastique moderne, lorsque ce dernier navigue plutôt, comme l'a bien analysé Jean-Baptiste Baronian, entre Kafka et Cortazar.
     Mais le mauvais procès gît là où Daniel Riche tente de faire porter la responsabilité de la méconnaissance francophone à l'égard de Wheatley à la critique dite « idéologique ». Dennis Wheatley, en effet, serait politiquement plutôt à la droite de l'extrême-droite. Ah ! bon. Et de vilains sectaires l'auraient pour la cause exclu de leurs commentaires. Bouh. (Nicot. couché !) Toby Jugg le possédé explique par exemple la Révolution d'octobre par l'action des forces infernales. Amusant. La terreur tsariste était vraisemblablement le produit du septième ciel. L'ennui dans cette histoire, c'est que le présent livre se lit sans l'ombre d'une affirmation extrémiste (l'idéologie transparaît bien dans la qualification de « sous-hommes » appliquée au peuple des abysses dont se protègent les Atlantes, de même que dans la réaction unanime de dégoût devant ce qui se révèle différent, tout comme plus loin figure une allusion à la noblesse du « sang aristocratique », mais c'est fort discret). La découverte de l'Atlantide n'est pas un roman à fuir politiquement : c'est tout simplement un roman banal, sans exigence interne, vite lu et vite oublié.
     Daniel Riche chercherait-il à ranimer une vaine querelle ? Le « dépistage Idéologique qui a tenu lieu si longtemps d'approche critique » serait une démarche « ridicule » et « stérile ». Nous, on veut bien. Pourtant, sans remonter au déluge (la polémique autour de Jean-Pierre Andrevon dans Fiction,par exemple), il faut admettre que de très fines analyses partent de cette approche — ainsi la lecture politique de Jeury opérée par Stéphane Nicot. Pourquoi, surtout, une « revalorisation lucide du récit » devrait-elle se faire aux dépens d'autres méthodes, d'autres sensibilités critiques ? Pourquoi ne jamais jeter de passerelles mais toujours (ou presque) couper les ponts ? Il n'est pas nécessaire de désirer un syncrétisme illusoire pour rapprocher des points de vue et confronter sereinement des idées (donc, horresco referens, des idéologies). Une belle réflexion pour Bozzetto dans ses Bricolages critiques,tiens.
     Je signalerai en passant à Daniel Riche (qui me déçoit car ceci cadre mal avec son éditorial de Science-Fictionn° 1) que les positions « politiques » exprimées par un Le Carré à travers Smiley sont loin de l'extrême-gauche et que cela ne l'a pas empêché d'être édité et de se tailler un joli succès. Et si l'attitude francophone vis-à-vis de Wheatley tenait tout simplement à l'absence de nécessité esthétique de ce dernier ? Warfa, à la trappe !

Dominique WARFA (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/6/1984
dans Fiction 352
Mise en ligne le : 1/6/2006

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