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Entends la nuit

Catherine DUFOUR

Première parution : Nantes, France : l'Atalante, octobre 2018

Illustration de Aurélien POLICE

L'ATALANTE (Nantes, France), coll. La Dentelle du Cygne précédent dans la collection suivant dans la collection
Dépôt légal : octobre 2018, Achevé d'imprimer : octobre 2018
Première édition
Roman, 352 pages, catégorie / prix : 6
ISBN : 978-2-84172-875-6
Format : 14,5 x 20,0 cm
Genre : Fantastique


Ressources externes sur cette œuvre : quarante-deux.org
Ressources externes sur cette édition de l'œuvre : quarante-deux.org

Quatrième de couverture

La chair et la pierre sont de vieilles compagnes. Depuis des millénaires, la chair modèle la pierre, la pierre abrite la chair. Elle prend la forme de ses désirs, protège ses nuits, célèbre ses dieux, accueille ses morts. Toute l’histoire de l’humanité est liée à la pierre.

Quand on a 25 ans, un master en communication, une mère à charge et un père aux abonnés absents, on ne fait pas la difficile quand un boulot se présente.
     Myriame a été embauchée pour faire de la veille réseaux dans une entreprise du côté de Bercy, et elle découvre une organisation hiérarchique qui la fait grincer des dents : locaux délabrés, logiciel de surveillance installé sur les ordinateurs, supérieurs très supérieurs dans le style british vieille école.
     Mais quand un de ces supérieurs s’intéresse à elle via Internet au point de lui obtenir un CDI et lui trouver un logement, elle accepte, semi-révoltée, semi-séduite…
     Mauvaise idée ? Pas pire que le secret qu’elle porte.
     Myriame est abonnée aux jeux dangereux dans tous les cas, et sa relation avec Duncan Algernon Vane-Tempest, comte d’Angus, décédé il y a un siècle et demi, est à sa mesure. Du moins le croit-elle.

Catherine Dufour, éprise de légendes urbaines, nous offre avec ce roman un « anti-Twilight » tout en humour et une ode à Paris bouleversante.

Critiques

Les éditions de l’Atalante signent le retour au romanesque de Catherine Dufour avec un récit fantastique, au sens premier du terme, une plongée pleine d'appréhension dans un Paris vibrant de légendes, délaissant une modernité sinistrée pour un passé aux mystères aussi fascinants que vénéneux... 

Entends la nuit commence avec l’héroïne, Myriame qui, après un épisode de vie de bohème, revient chez elle, à Paris, pleine d’appréhension. Il y a d’abord cette maman âgée dont les excès de prévenance l’agacent terriblement, mais le lecteur comprend qu’elle lui porte un amour assez fort pour surmonter les énervements du quotidien.
De la même manière, Myriame s’est fixé pour but de s’immerger dans le réel, avec une volonté farouche, mais un réel conçu comme un idéal et un repoussoir.
Myriame démontre qu’elle a cette certitude étrange de ne pas être taillée pour cette vie-là, mais il s’agit visiblement pour elle d’un défi qu’elle s’est imposée, or cette normalité, conçue comme une sorte d’idéal noir est peut-être inatteignable…

En attendant, elle arpente les allées du réel : elle achète des tailleurs gris ou noirs, elle dégote un boulot ennuyeux, sans doute mal payé, dans une entreprise moderne, sise dans un immeuble parisien vénérable, dont les appartements ont été transformés en bureaux. Attachée à un ordinateur, Myriame passe sa journée à parcourir les réseaux, tout en étant observée en permanence, par un dispositif particulièrement tyrannique : Pretty Face, image mosaïque qui permet à chacun de voir chacun à son poste et d’où les « pontes » de la Zuidertoren scrutent leurs « sujets »…
Cette ambiance d’espionnite n’empêche pas les collègues de sympathiser : Iko, tout d’abord, une cadre, mais ici de ces cadres qui n’ont de pouvoir que le titre, puis Sacha, le beau mâle parfumé, tout en boniment et séduction, Awa, une jolie noire, et enfin Mei, la bonne copine avec qui elle partage son bureau et ses remarques pour dénicher le petit copain idéal.
Alors qu’ils mangent ensemble dans la cafétaria de l’entreprise, Sacha murmure soudain :
—  Les Supérieurs hiérarchiques !
Ils sont grands, beaux, ils ont la classe et s’habillent chez les plus grands couturiers, une beauté minérale qui fascine Myriame tandis qu’ils traversent la cafeteria sans voir personne : une hauteur, et une indifférence qui les classent d’emblée au-dessus du commun…
Bientôt, Myriame obtient un vieux bureau, étroit, humide, mal aéré : sans y réfléchir, elle le nettoie, le brique, cire les vieilles boiseries. Le lendemain, alors qu’elle reprend son poste, elle aperçoit dans Pretty Face un visage en gros plan, beau comme un dieu. Il s’agit là aussi d’un autre supérieur hiérarchique, encore plus beau, mieux habillé, aussi minéral… Angus, invisible et pourtant clairement tout-puissant.
Il y a chez lui, un intérêt et un humour qui la séduisent, un goût de la nouveauté qui pique sa curiosité. En retour, lui s’intéresse à elle, non pas en tant qu’employé mais en tant que personne. Il sait, sans qu’elle ait besoin de le dire, qu’elle a remis le bureau à neuf, et bientôt, il lui propose un studio voisin. Myriame accepte, et se retrouve dans cet appartement au charme victorien liée à son bailleur. Commence alors une relation tout aussi érotique, qu’étrange et dont Myriame veut oublier le danger. Et ce d’autant plus, que son retour initial — lié à un secret inavouable — revient la tourmenter en parallèle à son aventure amoureuse…

En littérature, le genre du Fantastique s’est beaucoup détourné de son sens originel. À force d’écrire du merveilleux, nombre d’auteurs se sont égarés dans des récits qui ont perdu toute force : ici, le Fantastique fait irruption dans sa Radicalité, son originalité brute avec le risque de sombrer sur des sentiers terribles...
Dans Entends la nuit, le suspense monte fort, il monte vite et il devient haletant car, à se positionner hors de sa condition humaine, Myriame se confronte à des êtres dont elle est loin d’imaginer l’étendue des pouvoirs... dans un jeu où la séduction, l’érotisme ont toute leur place ; car l’héroïne se prend de passion pour le monde qu’elle découvre…
Catherine Dufour renoue ici avec un Fantastique, dont les pères se nomment Nerval, Hoffmann, Maupassant, Lovecraft... et où les spectres aiment se confronter aux vivants. Nulle préciosité, mais au contraire, une nervosité du récit, une héroïne vivante, vibrante, qui développe une passion qui confine à la provocation, à l’érotisme et au danger qu’il y a à côtoyer des êtres dont l’âme est un mystère explosif…
Il y a ici de cette « étrange étrangeté » dont parle Freud dans ses Essais de psychanalyse appliquée, de ces mystères qu’il ne sert à rien d’interpréter, au risque de les affaiblir, de cette étrangeté, qui exerce sur nous une attraction aussi irrésistible que le parfum d’une plante à la séduction mortelle pour les insectes qui sont sa nourriture…

Avec ce beau roman, Catherine Dufour renoue avec les racines de la pure fiction et nous entraîne sur un terrain où elle se perd avec ivresse et finesse sur les sentiers de la terreur. Je n’en dirai pas plus pour ne pas troubler votre lecture… incontournable.

Bernard HENNINGER (site web)
Première parution : 15/1/2019 nooSFere


 Entends la nuit, réjouissant et passionnant roman fantastique, marque le grand retour de Catherine Dufour à la fiction. Cela faisait en effet une presque décennie que l’auteur du Goût de l’immortalité (Mnémos - cf. Bifrost n°41), un des sommets de la science-fiction francophone des années 2000, n’avait publié de livre relevant de l’Imaginaire. L’écrivaine n’était cependant pas demeurée inactive, se faisant pendant les années 2010 essayiste avec des textes politiques et féministes tels que L’Histoire de France pour ceux qui n’aiment pas ça (Mille et une nuits) et Le Guide des métiers pour les petites filles qui ne veulent pas finir princesses (Fayard). Et on se rappellera encore qu’elle est aussi une collaboratrice régulière du Monde diplomatique.
 Cette attention critique au réel marque encore les chapitres initiaux de Entends la nuit. Ceux-ci narrent l’entrée dans la vie active de la parisienne Myriame, une vingtenaire emblématique d’une jeunesse très contemporaine. Celle de la « Génération Y » ou bien encore des « Millenials », selon les concepts sociologiques en vogue. Mal à l’aise avec une société dans les valeurs de laquelle elle ne se reconnaît guère — Myriame a un temps goûté une vie anarchisante dans l’Amsterdam underground —, l’héroïne de Entends la nuit peine tout autant à y trouver un emploi. Et c’est une manière de miracle que connaît Myriame lorsqu’elle réussit à se faire embaucher par la Zuidertoren, une entreprise transnationale prospérant dans l’immobilier — et dont le nom ne cache rien de la manière dont elle conçoit l’activité immobilière, puisqu’il s’agit du toponyme néerlandais de la Tour du Midi, gratte-ciel symbolisant le saccage urbanistique de Bruxelles… Exempte de toute lourdeur sociologisante, c’est d’une plume férocement ironique que Catherine Dufour évoque les débuts de la jeune femme à la Zuidertoren. Sa peinture mordante du monde entrepreneurial, sans en cacher la dureté, fait alors écho aux pages les plus drolatiques de Quand les dieux buvaient (cf. Bifrost 31), son très parodique cycle de fantasy. Myriame ne tarde cependant pas à découvrir que la « Z », comme elle l’appelle, sert de façade canoniquement ultralibérale à un univers surnaturel et pluriséculaire. Et auquel l’héroïne est initiée après avoir attiré l’attention de l’un de ses supérieurs hiérarchiques, le séduisant autant qu’étrange Vane. De leurs échanges d’abord distants et numériques (contemporain, Entends la nuit l’est encore par son usage du réseau social) naîtra bientôt une intense passion amoureuse. S’engageant avec exaltation dans les pas de son singulier amant, Myriame part à la découverte d’une topographie parisienne fantasmagorique. Empreint d’un érotisme gothique, ce passage de l’autre côté, non pas du miroir mais du mur (Le Passe-muraille de Marcel Aymé est ici explicitement cité), donne alors à Entends la nuit d’excitantes allures de conte de fées pour adultes. Mais ce dernier se métamorphose bientôt en un récit horrifique, à la violence âpre et étouffante. Se dessine dès lors une descente aux enfers (au sens propre) destinée à rappeler à Myriame « ce que le monde réserve aux prolotes qui croient au prince charmant »…
 Le dernier roman en date de Catherine Dufour séduit autant par son fantastique à l’originalité certaine que par sa lucide anatomie de la domination, et s’impose comme le plus recommandable des traités de savoir-vivre à l’intention des jeunes générations comme de leurs ainées.

Pierre CHARREL
Première parution : 1/1/2019 dans Bifrost 93
Mise en ligne le : 18/7/2023

Prix obtenus
Masterton, Roman français, 2019


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