Une splendide villa dans la campagne romaine... Hébergés pour la nuit, Serge, Raoul, Marc, Thibaut et Xolotl jouent tranquillement aux cartes, tandis que dehors l'orage se déchaîne.

Soudain, un éclair plus violent que les autres... et tout bascule. Lorsque Serge et Xlolotl reprennent conscience, c'est sous un ciel sans nuage, et la villa a disparu...

     Philippe Ebly est l'un des rares auteurs à avoir écrit de véritables séries de science-fiction au sein de la Bibliothèque Verte dans les années 1970 et 1980. Il peut se vanter d'avoir fait découvrir ce genre à beaucoup de lecteurs qui, devenus adultes, en ont généralement conservé un si bon souvenir que les collectionneurs de ses romans sont encore nombreux et qu'un site de fan lui est même consacré : http://philippe.ebly.free.fr. Plus de trente romans sont à son actif, principalement répartis dans trois séries : Les Conquérants de l'impossible, Les Evadés du temps et Les Patrouilleurs de l'an 4003.

     Avec L'Eclair qui effaçait tout, les éditions Degliame débutent une réédition d'une partie de ces titres, de manière non chronologique, en commençant par les romans les plus à même de satisfaire le lecteur des années 2000, c'est à dire les plus intemporels. On notera au passage que le texte a été révisé et que les trois Conquérants sont désormais des jeunes du « XXIème » siècle : faut-il penser que le lecteur actuel serait incapable de s'identifier à un héros du siècle dernier ?

     Un bref rappel nous avertit en début d'ouvrage que « Les Conquérants de l'impossible retracent les aventures de trois jeunes gens :

     Serge Daspremont, un jeune aventurier français d'environ 16 ans. Son père est ingénieur et il habite Paris.

     Xolotl, un jeune indien orphelin du même âge et rencontré lors d'un voyage au Mexique. Il a été adopté par le père de Serge.

     Thibaut de Chalus est né à côté de Limoges en 1183. Une chute accidentelle dans un lac d'azote congèle son corps en 1199. Retrouvé et réveillé par Serge et Xolotl, 800 ans plus tard, il devient 'l'invité permanent' des Daspremont. »

     On constate d'emblée que cette équipe est peu commune. En réalité, le trio initial était plus ordinaire, composé de trois jeunes français, avec Marc et Raoul en plus de Serge. Ce dernier a fait la connaissance de Xolotl dans le premier tome de la série, Destination Uruapan, puis de Thibaut dans le volume suivant, Celui qui revenait de loin. Le présent roman, qui date de 1972, est donc le troisième de la série. Raoul et Marc y font encore de la figuration avant de disparaître dans les volumes suivants.

     Le jeune lecteur qui découvre ces curieux Conquérants sera sans doute frustré de ne pas assister à leurs rencontres initiales car les trois garçons ont des caractères spécifiques que l'on comprend mieux en connaissant leurs origines. Néanmoins, les différents épisodes de la série peuvent se lire indépendamment.

     L'Eclair qui effaçait tout est donc le récit d'un voyage temporel accidentel. La combinaison de la foudre, d'un nouveau métal aux propriétés méconnues — l'autinios — et d'un électroaimant précipite Serge et Xolotl quelque 2000 ans en arrière, précisément en l'an 117 après JC, durant la dernière année du règne de l'empereur Trajan. Ils devront utiliser leurs maigres souvenirs de latin scolaire et apprendre à survivre au cœur de la Rome impériale, où leurs efforts ne les empêcheront pas de devenir des esclaves...

     Ce voyage temporel est le premier imaginé par Ebly, qui reviendra abondamment sur ce thème. On remarquera ici le net manque de crédibilité du transfert lui-même : si l'aller accidentel peut à la rigueur se concevoir, le retour organisé depuis le présent apparaît bien improbable. De même, Ebly ne s'intéresse pas aux possibles anachronismes : on ne saura rien de la destinée des montres et vêtements que nos amis abandonnent dans le passé — l'archéologue qui les découvrira aura du mal à en croire ses yeux. Enfin, l'auteur élude le problème du paradoxe temporel et de la modification de l'Histoire : au milieu des querelles de succession à la mort de Trajan, Serge essaie bien de sauver la vie d'un homme qu'il sait devoir être assassiné, mais comme il n'y parvient pas, aucune modification de la trame temporelle ne s'ensuit.

     Peu importe ! Ni le propos ni l'intérêt du roman ne résident dans cet artifice science-fictif, simple prétexte à des aventures historiques mouvementées qui mettent en jeu la survie des deux garçons. Ebly sait tenir son lecteur en haleine, avec un sens du suspense qui rend captivant cet astucieux récit. L'auteur en profite pour nous présenter avec réalisme la vie quotidienne à Rome dans plusieurs couches de la société, aussi bien dans ses aspects fascinants que dans les plus cruels, sans hésiter par exemple à montrer comment le jeune romain nommé Gaïus — ami et précieux guide des deux Conquérants égarés — meurt la colonne vertébrale brisée par un char ou à esquisser les troubles politiques qui ensanglantent la ville éternelle à l'avènement d'un nouvel empereur.

     Voilà de quoi séduire toute une nouvelle génération de lecteurs !

     (Critique commune de L'éclair qui effaçait tout et de La Voûte invisible)

     Parmi les lecteurs qui sont venus à la science-fiction dès leur plus jeune âge dans les années 70, certains se souviennent peut-être avec nostalgie de Serge, Xolotl et Thibaut, trois adolescents qu'ils ont accompagnés dans bien des lieux et à bien des époques. Ils regrettent sûrement aussi de n'avoir pu retrouver ces romans pour les transmettre à la nouvelle génération. Voici ce vide comblé, car neuf récits des Conquérants de l'Impossible sont prévus en réédition au Cadran Bleu, ainsi que les neuf Évadés du Temps, du même auteur, pour qui aime également le fantastique.

     Les deux romans choisis pour inaugurer la série, et dont les textes ont été corrigés et enrichis par l'auteur, font certainement partie des plus marquants : L'Éclair qui effaçait tout pose les bases du voyage dans le temps version Ebly en propulsant Serge et Xolotl dans la Rome Antique. Ils ne savent rien des coutumes de ce lieu, dont ils connaissent pourtant l'avenir, et sont confrontés dans leur lutte pour la survie à des dilemmes qui confineront au cas de conscience. Outre une réflexion morale discrètement amenée par l'auteur, les références historiques documentées de ce roman, qui rappelle souvent Sprague de Camp, pourront susciter bien des curiosités...

     En contrepoint de ce regard vers le passé, La Voûte invisible avait, lors de sa première parution à la fin des années 70, le goût d'une utopie négative possible. Le cataclysme de Tchernobyl l'installe au rang des réflexions malheureusement trop actuelles. L'enquête archéologique des trois adolescents du XXI^e siècle conduit au fil des pages à une question d'autant plus récurrente qu'elle reste sous-jacente : celle de la responsabilité de notre époque vis-à-vis des générations futures.

     On peut voir à travers ces deux romans un trait non négligeable de l'écriture de Philippe Ebly : iI n'oublie jamais qu'une aventure induit presque fatalement une prise de responsabilité et le sens éthique qu'elle requiert reste sa constante préoccupation. Ce qui, en soi, justifie de lui donner une place de choix dans les bibliothèques de nos écoliers.