Mon nom est Temple Sacré de l'Aube Radieuse, mais vous pouvez m'appeler Tem. Pour cent euros par jour plus les frais, vous pouvez aussi louer mes services. Je suis détective privé. Mon atout majeur ? Le Talent de transparence qui me permet de passer inaperçu. Mais qui m'oblige aussi à des efforts vestimentaires pour ne pas passer inaperçu.
Paris, 2063. Harcelé par l'antipathique inspecteur Trovallec dit « le Dénébien » , c'est pour se disculper d'une accusation de meurtre que doit enquêter cette fois Temple Sacré de l'Aube Radieuse, le détective millénariste au chapeau vert fluo.
Où l'on pénètre la complexité de la psychosphère et où la Grande Terreur de 2013 apparaît sous un éclairage nouveau. Où se profile aussi l'ombre menaçante de Dragon Rouge, un archétype « fondamentalement archaïque ». L'enjeu ? Rien moins que le destin éthique de l'humanité.
Décidément, notre ami Temple Sacré de l'Aube Radieuse (Tem pour les intimes) n'a pas de chance : cette fois-ci encore, il suffit qu'il vienne faire un tour au Centre européen de recherches scientifiques pour y tomber sur un cadavre encore chaud. Mais le cadavre, ici, est celui de son ami Viard, et le policier qui l'accuse du meurtre semble imperméable à son Don de Transparence. Quant à Gloria, sa fidèle aya (Intelligence Artificielle), ses activités anarchistes l'ont mise en danger et elle est incapable de l'aider. Bien sûr, Tem va réussir à passer entre les mailles du filet et à se trouver de nouveaux alliés, mais la nature de l'ennemi qu'il doit affronter va se révéler des plus surprenantes...
Avec ce troisième volet des Futurs Mystères de Paris, on commence à entrevoir les ambitions de Wagner. Nous n'avons pas affaire ici à une simple série policière dans un contexte de SF, mais plutôt à un authentique projet science-fictif qui se sert comme d'un tremplin des codes et des clichés du genre policier. Ce n'est certes pas nouveau — Asimov, dans Les Cavernes d'acier et Face aux feux du soleil, adoptait une démarche similaire quoique plus discrète — , mais Wagner est sans doute le premier à manifester une telle ambition dans ce registre. Il serait difficile d'en dire plus sans déflorer l'intrigue, mais signalons quelques pistes ; tout d'abord, il est vivement conseillé de lire ou de relire Les Derniers Jours de mai, que l'auteur a publié au Fleuve en 1989 ; ensuite, on consultera avec profit l'ouvrage de Merritt Ruhlen, L'Origine des langues, qui vient de paraître aux éditions Belin (collection « Débats ») après avoir suscité de vives controverses aux Etats-Unis. Dans ce numéro de Galaxies, Paul J. McAuley nous confie qu'il ne puise pas seulement son inspiration dans les revues scientifiques, mais aussi dans The Economist ; Wagner nous montre ici que le dialogue de l'auteur de SF avec le réel peut aussi se faire par l'intermédiaire de la linguistique et de la psychologie des profondeurs. Le résultat est aussi étonnant que passionnant.
Signalons pour conclure que ce livre est le dernier de la collection « Anticipation » et qu'il inclut une liste complète de tous ses prédécesseurs. De quoi faire une nouvelle plongée dans la mémoire collective.
Le Fleuve noir, dans sa série « Métal » sous la direction de Daniel Riche, semble aimer les symboles. Le N°2000, Wonderland, a été confié à la star montante de la SF francophone, Serge Lehman. Il s'agit d'un épisode intéressant, à couleur dickienne par endroits, situé dans l'univers de F.A.U.S.T., avec une échappée vers Ganymède.
Le N°2001, au titre glorieux, ne pouvait que s'intituler L'Odyssée de l'espèce. Bien entendu, on ne voit que Roland C. Wagner, le magicien desFuturs Mystères de Paris, pour occuper ce créneau, où le prince Rodolphe et Nestor Burma fusionnent pour devenir le détective Tem, extrêmement « transparent ». Comme dans les deux premiers épisodes de ces mystères du futur, nous avons affaire à une enquête, menée par Tem, et qui prend en compte des hypothèses relevant de l'imaginaire pseudo-scientifique d'une part, et du matériau renvoyant à la SF classique. Le policier qui accuse (à tort bien évidemment) Tem, est nommé « Dénébien », et je me suis demandé pourquoi pendant un long moment. Puis, comme il s'agissait en fait d'une incarnation de l'esprit du Mal, j'ai traduit : « il est le brince des dénèbres ». Car cet ouvrage se présente aussi comme une réflexion sur la naissance de l'humanité depuis les origines (d'où le titre). Je soupçonne Roland C Wagner d'avoir voulu rivaliser (sur le mode humoristique) avec un texte connu et récemment publié. Celui dont Yves Coppens, le paléontologue bien connu et qui a intronisé Lucy comme notre Eve africaine, a fourni le matériau à Pierre Pelot et qui conte la vie de nos premiers ancêtres.
Cela étant on trouve dans cet ouvrage toutes les qualités qui font de Roland C. Wagner un auteur qui écrit avec la même aisance et la même rapidité que Pelot lui-même dans ses meilleurs jours. La composition est claire, les personnages aussi crédibles qu'on peut le souhaiter dans un univers de quasi stéréotypes.
Reste qu'on est frustré, comme très (trop) souvent devant les textes de Roland C. Wagner. Parce qu'on le voit capable d'une telle habileté, d'une telle aisance, qu'on se demande pourquoi il n'écrit pas un texte qui ne soit pas, comme ici et comme souvent ailleurs, une parodie, un remake, un « à la manière de ». Sans doute est-ce là sa manière à lui de faire dans le post-moderne, et après tout, Sheckley aussi faisait dans la déconstruction ironique des poncifs de la SF. Il n'empêche que j'aimerai bien lire un jour un authentique Roland C. Wagner.
Ozone, Roman de Science-Fiction francophone, 1998 Rosny aîné, Roman, 1998
Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantesAssociation Infini : Infini (3 - liste francophone) (liste parue en 1998) pour la série : Les Futurs mystères de Paris