En cet été de la Rose Tardive, l'abbaye de Rougemuraille vit en paix. Mais pas pour longtemps ! Cluny le Fléau et sa bande de rats malfaisants sont en chemin... Et ce diabolique rat borgne, ce Seigneur de la guerre, est prêt à tout pour obtenir ce qu'il désire, l'abbaye de Rougemuraille ! Heureusement pour les habitants de la contée de Mousseray, Mathieu, souriceau novice, se sent la force de résister à ce terrible... Seigneur de la guerre.
De l'auteur de cette saga, Brian Jacques, le très sérieux Times a écrit qu'il était « le premier auteur depuis Roald Dahl, à donner une furieuse envie de lire aux enfants. »
• Brian JACQUES, le cycle de Rougemuraille — Mango.
Les rats quittent le château !
C'est un ancien docker de Liverpool (eh non, malgré son nom il n'est pas d'origine française et ses plus lointaines racines sont... irlandaises !) qui eut l'idée géniale de marier la fantasy médiévalisante avec le roman animalier. Certes Kenneth Grahame , le créateur de ce sous-genre singulier qu'est la « fantasy animalière », avait déjà saupoudré son Vent dans les saules (The Wind in the Willows) d'éléments proches de l'univers des contes de fées : ses héros étaient des animaux qui parlent et vivent comme des humains ; on y trouvait également des références aux romans de chevalerie (la prise du château de Monsieur Crapaud occupé par les fouines en est le plus le plus bel exemple). Mais de là à mêler à cet univers des sorciers, de la magie, de lui donner comme cadre un Moyen-Age de légende c'était un autre pas à franchir....
C'est donc un peu plus tardivement, qu'auteur natif de la ville où sont nés les Beatles (il a même dû les croiser puisqu'il y est né en 1939 et qu'il joua dans un groupe de folk, les Liverpool Fishermen), osa le faire . Il eut l'idée de marier la tendresse et la poésie de Grahame avec la verve et l'imagination débridée de Tolkien. Le résultat ? Un régal ! Les amateurs de bandes dessinées, notamment des séries enfantées par le divin Raymond Macherot, je veux parler des Chlorophylle, des Sibylline mais aussi du méconnu Chaminou, se régaleront 1. Ils sauront aller au delà des apparences : il n'y a aucun infantilisme dans cette série. Derrière un univers à la Disney, se cache en fait une féroce satire du genre humain : on n'est pas loin des fables de La Fontaine ou du Roman de Renart. L'anthropomorphisme évident (les petits animaux vivent et meurent comme des humains), n'exclue pas pour autant une solide étude des bêtes : il n'est pas question qu'ici une souris ait pour animal de compagnie... un chien ! Je vous le dis, on est loin de l'univers trop « gentil » des studios Disney. Brian Jaques sait tirer un agréable parti de la nature métaphorique de ses personnages, sans surplus de sucreries. Il y a de la castagne, de la férocité et un sens de l'honneur (on pense à la légende arthurienne) dans cette œuvre, en même temps qu'une certaine philosophie épicurienne, au sens noble du terme (le fameux carpe diem, « profite de la vie et des plaisirs qu'elle t'apporte »). On voit que l'auteur a traversé la deuxième guerre mondiale... On retrouve également un côté picaresque (rôles des auberges comme lieux de rencontre, voyages initiatiques...) qui rappelle bien sûr Henry Fielding (Tom Jones). Il faut préciser que l'auteur a pas mal roulé sa bosse en tant que marin, routier, chauffeur de bus et même policier ! J'oubliais l'humour et la tendresse, ainsi qu'un grand sens poétique. Rappelons à ce propos que le premier volume, Redwall (L'abbaye Rougemuraille, chez Mango) publié en 1986, fut écrit à l'origine pour des enfants non-voyants que Brian Jacques connaissait puisqu'il livrait du lait tous les matins à l'institution les hébergeant. « Les souris sont mes héros, dit l'auteur, car comme les enfants, les souris sont petites et doivent apprendre à être courageuses et à utiliser leurs cellules grises ». Un auteur qui avait commencé tout môme à écrire, à l'âge de 10 ans avec une rédaction... sur les animaux ! Son histoire avait tellement impressionné son maître que ce dernier ne voulut jamais croire qu'il l'avait écrite tout seul ! Il s'est bien « vengé » depuis... Bref, vous l'avez compris, des romans fortement imaginaires trouvant paradoxalement de solides racines dans la réalité. Un nouveau volume va bientôt sortir (Legend of Luke) et il est fortement question d'une adaptation en dessins animés (série et long métrage). Espérons que celle-ci n'affadira pas trop cette saga... Les lecteurs non anglophones se réjouiront également de la traduction en français chez Mango des premiers tomes du cycle — qui comporte en V.O. déjà treize volumes.
Le cycle complet : Redwall (1986), Mossflower (1988), Mattimeo (1989), Mariel of Redwall (1991), Salamandastron (1992), Martin the Warrior (1993), The Bellmaker (1994), Outcast of Redwall (1995), The Great Redwall Feast (1996), The Pearls of Lutra (1996), The Long Patrol (1997), Marlfox (1998) — chaque volume, dans sa version originale en anglais, fait 400 pages environ. Pour suivre le fil de l'histoire, de manière chronologique il convient de lire dans l'ordre suivant : Martin The Warrior, Mossflower, Outcast of Redwall, Mariel of Redwall, The Bellmaker, Salamandastron, Redwall, Mattimeo , The Pearls of Lutra, The Long Patrol, Marlfox. Pour contacter l'auteur : Redwall Abbey, 55 Paradise Street, Liverpool, L1 3BP, GB ; à noter qu'il existe également une bonne vingtaine de sites internet : voir http://www.redwall.net
Notes :
1. Sur l'univers mi-cruel mi-naïf de Raymond Macherot, notons qu'un excellent recueil d'entretiens est paru récemment chez Mosquito, dans la collection « Monographie » [NdE].
Thierry SPORTOUCHE Première parution : 1/12/1999 Yellow Submarine 129 Mise en ligne le : 28/2/2003